Octogénaire spolié et escroc surendetté
Dépassé par son train de vie, le représentant d’un groupe d’assurance a abusé de la confiance d’un octogénaire afin de détourner 370 000 euros. «Surendetté», le prévenu a réfuté tout enrichissement personnel.
Crâne dégarni, bedonnant, de taille moyenne et le teint halé, Jay Gatsby profite d’une certaine bonhommie. Amateur de billard, l’homme a longtemps joui de la confiance de clients souscrivant assurances et autres placements financiers. Distingué par son employeur pour son efficience, le quinquagénaire perçoit d’importantes commissions dans le courant des années 1990 et 2000. Ses mensualités n’en sont pas moins fluctuantes. Gérant un portefeuille de 230 clients, Jay Gatsby voit régulièrement ses revenus passer de 4 500 à 1 500 euros. L’intéressé aurait dans un premier temps eu recours à des crédits à la consommation afin de masquer à femme et enfants une graduelle baisse de ses émoluments. La solution trouvera rapidement ses limites. L’homme en viendra à escroquer deux fidèles clients afin de maintenir son train de vie.
Un octogénaire fait office de proie prioritaire. Sans enfant et au chevet d’une épouse atteinte de la maladie d’Alzheimer, le retraité a amassé de rondelettes économies au cours d’une vie empreinte de simplicité. Jay Gatsby propose différents placements à un client en confiance. Une soixantaine de chèques en blanc sera remise à l’assureur entre 2005 et 2012. Plus de 350 000 euros sont directement encaissés par Jay Gatsby. La banque de la victime finira par tirer la sonnette d’alarme en janvier 2012 après la présentation de six chèques d’un montant global de 100 000 euros.
Licencié pour faute grave par son employeur et entendu au commissariat de Saint-Dizier, l’escroc fait soudainement face à sa responsabilité. La prescription d’une partie de malversations opérées par Jay Gatsby ramènera le préjudice de la victime à la somme de 216 000 euros. Créancier de 91 000 euros auprès de plusieurs établissements de crédit, locataire de son logement, l’assureur indélicat n’aura jamais cessé de vivre au dessus de ses moyens.
«Se regarder dans une glace»
Représentant l’octogénaire lésé, Maître Benoit faisait état d’un certain effroi. «On peut être endetté et honnête, des millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté peuvent continuer à se regarder dans une glace, martelait l’avocat. A qui fera-t-on croire que ces escroqueries ont été commises afin de rembourser des crédits à la consommation ? On ne tente pas de soutirer 100 000 euros en quelques jours pour payer ses traites ! Mon client et son épouse se sont serrés la ceinture toute leur vie avant qu’un aigrefin ne vienne les escroquer pour s’enrichir. Ce roi de l’escroquerie aurait pu se terrer chez lui, mais non, il a préféré continuer à s’exposer dans la presse à l’occasion de compétitions de billard !» L’avocat de l’ancien employeur de Jay Gatsby évoquait quant à lui l’existence – imagée – «d’un billard en noyer avec billes en ivoire et queues en or» avant de s’étonner quant au nouvelles fonctions du prévenu. Et pour cause : Jay Gatsby œuvre désormais en tant que conseiller commercial aux services d’une mutuelle.
«Monsieur est impliqué dans un dossier similaire appelé à être traité prochainement, d’autres sommes ont donc été soutirées à un autre client. Dans ces conditions, je m’interroge sur l’emploi des sommes captées», notait le procureur Amouret avant d’appeler le tribunal à prononcer une interdiction d’exercer toute activité liée à la vente de produits d’assurance ou financiers.
«Mon client a commis une bêtise et il va la payer, mais vous devez préserver son avenir en lui permettant de continuer à travailler», répliquait Me Moussa. L’avocat aura été entendu. Condamné à 18 mois de prison avec sursis, Jay Gatsby pourra poursuivre son activité dans l’attente d’une deuxième comparution devant le tribunal correctionnel pour des faits similaires. La question de la réparation des préjudices sera tranchée au terme d’une procédure civile.