Noyer le poisson – L’édito de Christophe Bonnefoy
L’audition d’Alexandre Benalla devant la commission d’enquête du Sénat aura au moins eu une vertu : celle de pouvoir entendre, enfin, celui à qui on a tout fait dire. A qui on a attribué les missions les plus improbables. Et qui, finalement, à part un joli coup de com’ devant les caméras du 20 heures, ne s’était jamais vraiment exprimé. Les réseaux sociaux en ont fait le cow-boy de la République. Ils l’ont même, quelque part, affublé du statut de quasi agent secret, qui aurait réussi à faire de l’Elysée sa maison comme par magie.
Pouvoir s’exprimer devant les sénateurs lui a permis de fournir quelques explications. Bien sûr, elles valent ce qu’elles valent. Pas question d’un mea culpa pour Alexandre Benalla. Mais il a parlé, lui qui avait menacé de ne pas se présenter devant cette commission. Sur les faits du 1er mai ? On n’en saura pas plus. Les actes incriminés se discuteront devant la justice, ils n’avaient pas à être évoqués hier.
Pour le reste, on a découvert chez Benalla un visage qu’on ne lui soupçonnait pas. De collaborateur musclé d’Emmanuel Macron, il s’est transformé, devant la commission, en fin politique, assez malin pour noyer le poisson. Mais aussi en acteur qui, encore maintenant, ne semble pas avoir compris ce qui lui est reproché. Encore plus fort : il n’a jamais exigé aucun avantage, aucun poste. On lui a gentiment proposé. On est venu le chercher.
En définitive, on a nettement l’impression que la commission d’enquête lui a servi de tribune. De vitrine, même. Et là, pour le coup, il aura été fidèle à son propre personnage. Celui qu’on voit sur les photos déjà largement diffusées. Sûr de lui, quitte à nier les évidences.