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Notables et érudits au siècle des Lumières

Des travaux récents dans l’église de Chatonrupt ont révélé, sous une estrade dégradée, une excavation remplie de gravats près du maître-autel. (Photo Rosalia Quercy).

Histoire. Louis Piat (1644-1706), procureur fiscal natif de Chatonrupt (canton de Joinville), a été inhumé avec son épouse dans le cimetière du village. Leurs fils leur ont dédié une épitaphe élogieuse sur une dalle placée dans l’église. Ce monument a été saccagé durant la Révolution.

Le père de Louis Piat, Evrard Piat (décédé en 1649), avait déjà détenu la charge de procureur fiscal sous Louis XIII et Louis XIV. Dans la juridiction féodale, ce magistrat était l’officier chargé de représenter le Ministère public et était responsable du fisc. Il intervenait au nom du seigneur comme en celui des particuliers ; il requérait des informations et portait plainte en fonction de ses renseignements. Il agissait par réquisition auprès du bailli qui détenait les pouvoirs judiciaires et exécutifs ; il lui adressait remontrances ou suppliques des requérants, tandis que ses conclusions étaient déterminantes pour les jugements.

Les actes du procureur fiscal, comme ceux de la Principauté de Joinville, étaient taxés à l’envi aux justiciables. De plus, il assurait la protection des mineurs et défendait les intérêts des personnes absentes de la seigneurie. L’épouse de Louis Piat est Marie Desjardins (1654-1710) “noble dame” ; le couple a eu treize enfants dont sept filles et deux fils ont survécu. Après leurs disparitions, ces notables sont inhumés près de l’église Saint-Brice, comme le stipulent leurs certificats de décès. Après 1730, leurs fils Nicolas (1690-1756) et Louis (né en 1691) les honorent par une dalle placée dans l’église. Elle est gravée d’une longue épitaphe en latin signée de Nicolas Piat “Parisiensis academie rector” et de Louis Piat “In Belgio civis” (bourgeois belge). Si on connaît peu son frère installé à Tournai, le professeur de rhétorique Nicolas Piat est nommé deux fois recteur de l’Université de Paris entre 1730 et 1736, sous le règne de Louis XV. Il devient vicaire général de Reims de 1743 à 1755.

Les annales du XIXe siècle

Dans son ouvrage sur le diocèse de Langres, l’abbé Charles Roussel (1813-1905) écrit : « Chatonrupt a donné naissance à Nicolas Piat qui fut par deux fois recteur de l’Université de Paris ; il érigea dans l’église paroissiale, avec son frère Louis Piat, une épitaphe en l’honneur de leurs père et mère, morts en 1706 et 1710 ». Un texte mémorial rédigé en 1806 sur le registre des délibérations du conseil municipal, révèle : « Il peut être ici fait mention d’un monument public qui existe dans la commune, l’honore et intéresse plusieurs familles : c’est un marbre attaché à l’extérieur de l’église sur lequel est gravé l’épitaphe d’un ancien habitant de la commune et de son épouse. Mais pour le soustraire aux misères du temps, après avoir échappé aux fureurs révolutionnaires, il doit faire partie du mémorial de la commune et être consigné dans les archives pour rappeler à la postérité le souvenir d’un concitoyen qui a occupé dans l’Université, qu’on regarde comme la première d’Europe, deux fois le premier rang ». Suit l’épitaphe qui a été retranscrite en latin, puis traduite : « En ce lieu consacré à la sépulture commune, gisent Louis Piat, qui occupait la place de procureur fiscal, et Marie Desjardins son épouse. Ils vécurent près de trente ans en une étroite union après avoir passé leur vie à cultiver le petit héritage qu’ils tenaient de leurs ancêtres, se livrant au travail comme Noé, leurs aïeux, aux veilles et aux pratiques compagnes d’une fortune étroite, jouissant de la considération publique appuyée sur une vertu digne des vieux temps de l’Antiquité ».

Un maire prêtre assermenté

Des travaux de réfection ont été lancés par la municipalité de Chatonrupt-Sommermont dans l’église Saint-Brice, en septembre 2023. Une estrade en bois, aux abords du maître-autel, était très dégradée ; sous celle-ci, une excavation comblée de gravats a été découverte. Il s’agit de l’emplacement du monument saccagé, à priori en 1792 lors de la proclamation de la Ière République. La dalle endommagée a ensuite été récupérée par le prêtre, puis fixée sur l’église avant 1806. Le texte mémorial très complet, rédigé à la plume d’oie sur onze pages d’un joli français agréable à lire (Supplément magazine du dimanche 24 juillet 2022), a pour auteur un érudit. Il s’agit du maire François Lapierre, également curé de la paroisse. Contrairement aux religieux réfractaires à la Révolution, il a prêté serment en 1790 à la Constitution civile du clergé. Né à Chatonrupt en 1750, il exerça son sacerdoce au village de 1779 à 1818, puis fut nommé curé-doyen de Chevillon où il mourut en 1826.

De notre correspondant Patrick Quercy

Sources : archives départementales de Haute-Marne et du Collège de France (Paris).

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