Nogent : au malaise du personnel du Lien, le groupe répond
27 juin. Des personnels de l’Ehpad Le Lien à Nogent font des additions : dans les 15 derniers jours, l’établissement aurait connu 17 arrêts de travail ; en 2 ans, il y aurait eu 16 démissions. Au quotidien, « on pleure tous ». La direction régionale du groupe SOS nuance, voire… conteste.
« L’Ehpad Le Lien à Nogent accueille jusqu’à 77 résidents. On a enregistré quatre départs depuis le début 2023 ». À entendre les personnels, ce sont désormais les résidents ou leur entourage qui jettent l’éponge en leur nom. Qui dénoncent la dégradation de leur prise en charge. Le recours à des intérimaires serait sans exiger forcément qu’ils soient diplômés. La plupart ne résisteraient pas au mode de fonctionnement imposé. Les fiches de poste elles-mêmes seraient incomplètement remplies. « Ici, les personnes sont fragiles. On n’a pas le temps de lever celles qui sont grabataires, on n’a pas le temps de raser les hommes… ». À bout, les personnels dénoncent un management déconnecté des réalités, sans toutefois pouvoir attester des consignes délivrées. Comme celle qui prévoit de consacrer « 7 mn pour les repas et une douzaine de minutes pour les douches ». Envolés, les « référents nutrition », les garants du rythme de remplacement des protections, vite ou pas faites du tout, les « fiches de transmission » d’une équipe à l’autre, soutiennent les personnels. Conscients de ne pas prendre soin des résidents comme leur métier et sa vocation l’exigent, ils indiquent rentrer désespérés du travail, mettant au passage en péril leur équilibre familial. Ils soutiennent qu’ils ont assisté à une progressive mais évidente dégradation de leurs conditions de travail, qui est à relier avancent-ils à des querelles au sein de l’exécutif, dont ils feraient en bout de chaîne les frais. La « nouvelle organisation est mise en place depuis le 1er juillet », qui décrète que de 4 personnels le matin et 3 personnels le soir est une équation qui fera l’affaire est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
« Syndrome Orpea »
Sur tous les motifs du profond malaise décrit par les personnels, la directrice régionale du groupe SOS Soraya Saïd a volontiers répondu. Globalement, en contestant leur fondement. Toutefois, le groupe vient de recruter un nouveau directeur, et une gouvernante.
« Entre janvier et mai, le taux d’absentéisme a nettement diminué ». Dernier chiffre connu de Soraya Saïd, le taux en mai : « 9,4% », dans la moyenne du secteur. Côté démissions, la responsable, qui « n’a pas les statistiques de 2022, en compte 8 en sept mois de 2023, et aucune entre avril et juin », des niveaux liés au caractère « volatile » du secteur santé. Et, « on remplace le personnel ». Oui, parfois « en embauchant par défaut » des aides-soignants non diplômés. Oui aussi, « il y a eu un peu plus de remplacements ces derniers temps pour garantir le parcours de soins ». Avant de pointer un surcroît de difficulté à recruter en Haute-Marne, « peu attractive ». La directrice n’a pas eu vent de difficultés managériales. Et annonce donc qu’un directeur « dédié au Lien » a été recruté – aujourd’hui, la directrice a aussi la responsabilité de l’Ehpad de Longeau-Percey.
Sur les fiches de poste, Soraya Saïd s’étonne : « logiquement, le CSE les valide. J’invite les collaborateurs à s’en rapprocher ». Fiches de poste qui en tout cas « ne mentionnent jamais des minutages » – repas, douches… « Ce n’est absolument pas une consigne du groupe SOS ». Et d’insister. « Ces allégations font écho à Orpéa, qui n’a pas fait de bien à notre secteur. Or, je souligne que staturairement, on n’enrichit pas d’actionnaires » Puis de soutenir qu’ « il y a des référents nutrition », qu’un comité de liaison de l’alimentation et de la nutrition (CLAN) se réunit chaque mois, de quoi lui laisser penser que les personnes attestant du contraire « ne sont pas très au fait ». En tout état de cause, elle « a rassuré les personnels, un audit aura lieu semaine prochaine. »
Côté évasion supposée de résidents, « un seul transfert vers l’établissement voisin a été enregistré en 2023 », sachant que sa famille l’avait anticipé pour des motifs financiers. Qui ont été à l’origine de deux autres, en 2021. « Ce qui fragilise la situation au Lien, ce sont les absences inopinées… et se retrouver à travailler à trois au lieu de quatre. C’est aussi pourquoi une nouvelle organisation a été mise en place ». Soraya Saïd explique que s’ « il y a eu passage de 11 h à 7 h, c’est que les 11 h étaient liées à l’absentéisme ». De plus, « a priori, il y a eu une réunion d’information, et pour ma part je n’ai entendu parler de rien depuis le 1er juillet. »
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr