Nijon, un précurseur dans la lutte contre les pesticides
À Nijon, vers Bourmont, des périmètres de protection de l’eau et des habitations ont été pris il y a neuf ans.
« Ce n’est pas vraiment un scoop, car j’ai pris cet arrêté il y a neuf ans ! » Le 4 octobre 2010, précisément. Patrick Mathieu était alors maire de Nijon. Une petite localité de l’Est haut-marnais d’environ 80 habitants, aujourd’hui commune nouvelle avec Bourmont. Maire depuis 19 ans, Patrick Mathieu s’intéresse à la qualité de l’eau et à la santé de la population de longue date. « Je me souviens, il y a 20 ans, à Vittel, ils ont commencé à protéger leur eau. Ça m’a fait réfléchir », se remémore-il. Il a conscience de l’impact de l’activité humaine sur la santé et des risques encourus. « Il y a quinze ans, à la commune, nous avons acheté un brûleur à gaz », poursuit-il. Un moyen de détruire les mauvaises herbes et autres herbes folles de façon écologique. « J’y tenais, nous devons montrer l’exemple… Nous avons ensuite lancé un sondage : 85 % des habitants ont dit qu’ils allaient utiliser moins de désherbant et 5 % plus du tout. »
Pour la santé de tout le monde
Puis, au vu d’analyses d’eau de 2008 “où l’on note la présence à l’état de traces de molécules constitutives de désherbants agricoles”, Patrick Mathieu a décidé de prendre le fameux arrêté. Il concerne le périmètre de protection des captages d’eau potable et du château d’eau ( à 150 et 200 m), mais il est en outre étendu aux habitations rapprochées (120 m) et éloignées (150 m). À l’heure où les arrêtés anti-pesticides défrayent la chronique partout en France, Nijon était un village avant-gardiste. « J’ai envoyé l’arrêté à tout le monde. J’ai des amis agriculteurs. Entre le prix du lait et de la viande, je connais les problèmes des paysans. Mon objectif n’est pas de leur nuire, mais de faire prendre conscience de ce qu’il se passe. »
L’affaire du maire breton et son arrêté anti-pesticides a fait grand bruit. « Je pense aussi à la santé des agriculteurs. Chez les jeunes, il y a une prolifération de cancers, notamment des testicules. C’est triste. Cette histoire me fait penser à l’amiante : on en parle, il y a des expertises, des contre-expertises », reprend Patrick Mathieu.
Jamais appliqué
Pour autant, l’arrêté pris il y a neuf ans n’a jamais été appliqué à la lettre. « Il y a 9 ans, j’aurais eu tout le monde contre moi. J’avais conscience d’être précurseur. On ne l’a donc jamais fait appliquer jusqu’au bout… » Pour le maire délégué de Nijon, c’est un principe de précaution. « Je veux bien dire aux agriculteurs qu’il ne s’agit pas de les priver de leurs terres. IL faut que les 150 m concernés soient cultivés autrement. »
À Nijon, la commune applique le « zéro phyto”. « Nous avons un désherbeur vapeur. Il est à la disposition des habitants qui le souhaitent, gratuitement. Cela prend beaucoup plus de temps et il faut recommencer régulièrement, mais cela vaut le coup », conclut l’élu qui ne sait pas encore s’il se représentera pour le prochain scrutin.
S. C. S.