Ne pas laisser passer – L’édito de Christophe Bonnefoy
C’est malheureux. Dramatique même. Mais la marche organisée ce dimanche contre l’antisémitisme, un peu partout en France, aura forcément vu son déroulement détourné, avant même son départ.
Sa raison d’être était évidente. Sa légitimité incontestable. Et ne pas réagir aux vagues de refus de l’autre – quelle que soit la nature – qui submergent notre quotidien de manière plus ou moins affirmée, plus ou moins insidieuse et même totalement décomplexée parfois, nous aurait définitivement plongés dans une sorte de fatalisme irresponsable.
Que n’aurait-on dit, en 2015, si les rassemblements, spontanés à l’époque, s’étaient accompagnés de « oui mais », de « j’y vais si l’autre n’est pas là » ou s’étaient résumés à un pur calcul politique ? Certes, la grande unité nationale n’a pas duré très longtemps…
Mais l’époque a de toute façon changé. Cette grande unité nationale est loin d’être ce qu’elle fut lorsque le Bataclan s’est tristement inscrit dans notre histoire, tout autant que l’Hyper Cacher ou Charlie Hebdo. Bien loin, le « Je suis Charlie ».
On ne pourra pas reprocher à la majorité des Français d’avoir défilé, ce dimanche, sans arrière-pensée. Contre l’antisémitisme. Pour la paix. Pour la libération des otages détenus à Gaza ou dans la région. Eux avaient un choix très simple : marcher ou rester à la maison. Ça leur appartenait. Mais au moins nombre d’entre eux n’ont-ils pas utilisé cette manifestation pour autre chose que l’affirmation d’un très simple dessein humaniste. Sans positionnement politique.
Les partis ont, pour certains, donné dans l’indécence, chacun à son niveau, les arguments faisant plutôt penser à une lamentable guéguerre. Triste.
En ce sens, la lettre d’Emmanuel Macron parue dans le journal Le Parisien recadrait les débats, en quelque sorte. Mais le mal est fait. Le spectacle d’avant-marche aura été affligeant.