Myriophylle hétérophylle, cette plante invasive qui mène tout le monde en bateau
Myriophylle hétérophylle. Ce nom scientifique ne vous dit peut-être pas grand-chose, mais il hante les nuits des usagers du canal. Cette plante invasive originaire d’Amérique et identifiée dans la Somme en 2011 a envahi les eaux et singulièrement compliqué la navigation.
Ce n’est pourtant qu’en 2018 que VNF s’est aperçu que cette plante avait colonisé son canal Entre Champagne et Bourgogne. Avec Elisabeth Gross, spécialiste du myriophylle hétérophylle à l’Université de Lorraine et qui a identifié formellement la plante en 2017, Voies Navigables de France affine ses connaissances et expérimente régulièrement de nouvelles méthodes pour tenter d’éradiquer sinon de limiter la prolifération.
« Les plantes invasives colonisent, se développent, puis elles finissent souvent par être remplacées par d’autres. Ce sera vraisemblablement le cas du myriophylle hétérophylle », confie Elisabeth Gross. La nature ayant horreur du vide, déjà, une nouvelle espèce prend du volume. Observée voici 15 ans, l’Eventail de Caroline pourrait bien supplanter le myriophylle d’ici cinq ans. « Ce sont comme des vagues, toujours plus puissantes », prévient-elle.
Navigation, entretien et troubles musculo-squelettiques
Aujourd’hui, le myriophylle hétérophylle ne fait pas que gêner la navigation. Elle constitue aussi une difficulté supplémentaire importante à l’entretien des canaux, puisqu’elle colmate à la fois les écluses et les déversoirs. Les coupes successives ne font qu’accélérer sa repousse et multiplier les boutures. « Plus on tond une pelouse, plus elle repousse vite. C’est donc à ses racines qu’il faudrait s’attaquer », assure Elisabeth Gross. « Mais les arracher sur une surface si énorme prendrait un temps considérable inenvisageable ».
Si cette plante crée « des habitats et refuges pour les animaux », sa densité trop forte peut aussi entraîner un « environnement délétère ». Sans compter ses conséquences sur la santé des agents VNF. Les tâches répétitives pour extraire les plantes entraînent de nombreux troubles musculo-squelettiques.
Ce qui laisse à penser à Elisabeth Gross et Hélène Groffier, qui effectue une thèse sur le myriophylle hétérophylle : « Il faut agir en amont. Traiter les causes et non plus les conséquences. Il faut exploiter les solutions qui pourraient se situer à l’échelle du bassin versant, des eaux usées et des eaux grises entre autres ».
Delphine Catalifaud
Une plante d’aquarium interdite à la vente
Plusieurs plantes d’aquarium figurent dans la liste des espèces interdites d’importation, de culture, de vente ou échange en France. Le myriophylle hétérophylle en fait partie. Autrement dit, il est normalement exclu de le trouver dans les jardineries. « Tout ceci à condition que la plante soit correctement identifiée par les services de douane », prévient Elisabeth Gross. Certaines espèces se ressemblent en effet comme deux gouttes d’eau et nécessitent parfois des analyses génétiques pour les identifier formellement.