Morceaux de bois, tranches de vie
Serge Besrechel est un artiste en arts plastiques, qui redonne à la nature son sens émotionnel et embellie par ses créations. Mais il a aussi été artiste de théâtre et de mise en scène à Saint-Dizier, entre autres avec la compagnie de L’Encrier.
Vous habitez aujourd’hui en Meuse, mais vous avez laissé votre empreinte en Haute-Marne durant votre carrière d’enseignant. Pourtant, vous ne connaissiez pas cette région ?
Serge Besrechel : En effet, je suis né et j’ai grandi en Bretagne dans les Côtes d’Armor et après avoir, comme beaucoup d’enfants, rêvé de devenir maître d’école, chauffeur de camion et pilote d’avion, j’ai choisi dès la classe de seconde, et encouragé par mon professeur d’alors, de me diriger vers l’enseignement des arts plastiques.
Après le bac et à l’issue d’études aux Beaux-Arts et UER d’arts plastiques à Rennes, les titulaires du Capes de cette discipline étaient “invités” à solliciter des postes uniquement dans le quart Nord-Est de la France, secteur moins demandé ; c’est la raison pour laquelle j’ai découvert Saint Dizier, ses environs, sa région, et très vite sa population puisque l’heure unique par semaine et par classe au collège fait qu’on connaît des centaines d’élèves en quelques années… et la plupart de leurs familles. Et comme je m’intègre assez facilement !
Vous présentez vos sculptures lors d’exposition, en particulier l’exposition récente de l’abbaye de Vinetz à Châlons-en-Champagne : comment ce travail s’est-il construit ?
S. B. : Ce travail n’est que la suite logique de celui pratiqué essentiellement dans mon métier où volume, espace et organisation ont toujours prévalu, dans le cadre des cours où théories et matérialités se partagent l’espace. Durant ma formation, les approches de l’architecture et de la photo ont été mes options de prédilection. Elles m’ont guidé pendant toute ma carrière d’enseignant en collège puis en option de lycée et favorisé le souci de « construire » avec – et pour – les élèves, tant en pratique qu’en histoire de l’art. Je n’avais donc de production visible que ce que j’organisais avec eux, des expositions assez nombreuses et en divers lieux (musée, MJC, espace culturel, forêt, etc.). J’ajouterais toutefois les nombreuses scénographies réalisées dans le cadre de l’option théâtre du lycée, ou encore celles du théâtre de L’Encrier durant une dizaine de saisons.
C’était un travail passionnant et riche en obligation de réflexion, qui doit compléter mais aussi s’ajuster à la mise en scène ; mais qui disparaît hélas avec la fin des représentations ! Il m’est arrivé, bien sûr, de peindre des tableaux, mais pas suffisamment convaincu d’apporter ou de proposer dans un domaine déjà si étendu. Le volume et l’espace occupent, je pense, plus spontanément ma réflexion. Et il ne faut refuser aucun matériau à partir du moment où il peut participer à une forme artistique. Le champ sculptural m’aide donc plus directement à inventer les jeux qui déchargent nos regards de l’ordinaire.C’est ainsi que j’ai amorcé cette série “Dans les arbres, turbulences et construction”.J’ai regardé les jeux surprenants du lierre ancien avec les branches et les troncs des arbres et articulé ensuite les sections choisies avec des éléments droits, neutres, blancs, créant des passages improbables, des parcours visuels, des rythmes en variations continues, des contrastes forts (écorces ou teintes miel contre blanc), et des étonnements puisque le spectateur se posera la question des articulations et des passages du lierre à travers les plans… et au final une expression de la liberté et de la règle, dont on doit comprendre qu’elles n’existent qu’en complément l’une de l’autre, de la vie tout simplement.
Des spectateurs s’étonnaient de la révélation des nervures internes par la sculpture de troncs d’arbres?
S. B. : Oui, en effet. C’est ce qui peut apparaître si on enlève prudemment la matière en approchant ce qu’on nomme habituellement les “nœuds” du bois. Chaque départ de branche montre une dérivation à partir du nœud central, la colonne vertébrale de l’arbre, et la surprise vient de la double vision simultanée de la surface externe du tronc et de son “écorché”, pour reprendre le terme adopté par l’anatomie et l’art. Je n’ai ici que repris et continué une des expressions sculpturales de Giuseppe Penone, artiste contemporain du courant de l’Arte Povera.