Monstres sacrés – L’édito de Christophe Bonnefoy
On aurait presque un peu tendance à voir en tout artiste disparu un monstre sacré. Ils ne le sont pas tous. Mais il faut avouer que ces derniers mois, ces dernières années même, de sacrées pointures ont laissé orphelin le monde de l’art. Du cinéma ou de la musique, entre autres. Du cinéma grand public au plus élitiste. De la musique populaire à la plus ciblée.
Lucky Peterson, magicien du
blues, s’est éteint à l’âge de 55 ans. Il était l’un des plus reconnus dans le
monde. Les Langrois s’en souviennent, il leur avait fait passer des instants
inoubliables.
Michel Piccoli, lui, s’est détaché des Choses de la vie pour s’en aller vers le
repos éternel. Il avait 94 ans.
Tous deux étaient et
resteront des monstres sacrés.
Piccoli, sur le grand écran, c’était un peu celui qu’on adore détester. Pas
forcément chaleureux, le plus souvent distant en apparence. Pas un comique, plutôt
cynique. Mais quel jeu ! Quelle présence ! Quel charisme ! Le
hasard ne fait jamais mal les choses, dans le monde du 7e Art. Ça n’en
est pas un, s’il avait côtoyé artistiquement Philippe Noiret, Marcello
Mastroianni, Annie Girardot, Catherine Deneuve ou encore l’immense Romy
Schneider. Ça n’en était pas plus un s’il fut à l’affiche des “Demoiselles de
Rochefort”, de “Belle de jour”, de l’inoubliable “Max et les ferrailleurs” ou
de l’incontournable “Sept morts sur ordonnance”. Et plus récemment de l’impressionnant
“Habemus papam”.
L’époque, compliquée, nous ramène parfois, notamment en matière de musique ou de cinéma, à ces choses que l’on connaît, que l’on apprécie, qui nous rassurent. Peterson le bluesman, Piccoli le comédien étaient de ceux que l’on aime retrouver. Des acteurs de ces “belles choses” – de la vie – qui ne s’effacent jamais.