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Méga-bassines : un vrai/faux pour comprendre

Les méga-bassines opposent deux visions du monde agricole et du partage de l’eau. © Xavier Benoit – NRCO.

A quoi sert une méga-bassine ? Qui paye sa construction ? Comment est-elle remplie ? Qui peut s’en servir et pourquoi ? Eléments de réponses dans ce vrai/faux.

Depuis les manifestations du 29 octobre 2022 et du 25 mars 2023, toute la France connaît le nom de Sainte-Soline. Ce village des Deux-Sèvres héberge un chantier emblématique, celui d’une méga-bassine, théâtre d’affrontements violents entre forces de l’ordre et militants écologistes. Deux camps s’affrontent : d’un côté l’Etat et la FNSEA soutiennent les bassines au nom de la “souveraineté alimentaire”, de l’autre les opposants réunis au sein du collectif “Bassines non merci” (Confédération paysanne, UFC Que choisir, LPO, France nature environnement) défendent l’eau comme un bien commun, dédié à tous les usages. Tentons d’y voir plus clair en décryptant cinq vérités ou… contre-vérités.

Une méga-bassine est un ouvrage artificiel.

Vrai. La bassine (surnom donné par les opposants) ou “retenue de substitution à usage agricole” (nom consacré par l’administration française), est un gros chantier de terrassement. On creuse le sol sur plusieurs hectares pour obtenir la profondeur désirée. Les déblais sont ensuite utilisés pour créer des digues très imposantes capables de résister à la pression de l’eau. Une immense bâche recouvre l’ensemble du bassin. Ce plastique permet de retenir l’eau. Mais il artificialise (c’est-à-dire supprime les interactions écologiques avec le sol) sur une surface représentant parfois l’équivalent d’une dizaine de terrains de football, comme à Sainte-Soline.

Elle se remplit grâce à l’eau de pluie. 

Faux. L’eau est pompée dans une nappe phréatique ou une rivière. C’est la principale critique formulée par les opposants face au manque d’eau déjà criant. En réponse, le principe dit “de substitution” a été inventé : on pompe l’eau l’hiver, quand la ressource est (censée être) abondante et on la conserve dans la bassine jusqu’au printemps pour arroser les cultures. Pour les partisans des bassines, c’est la solution pour sécuriser la production agricole et réduire les impacts de l’irrigation sur l’état des cours d’eau et la biodiversité l’été.

Mais le principe repose sur un calcul théorique des volumes disponibles dans la nature. Et de nombreuses études ont été réalisées avant les premiers effets du réchauffement climatique. Les opposants estiment qu’il n’y a déjà plus assez d’eau pour préserver l’état des rivières, les zones humides, la biodiversité et même l’eau potable. Au 1er octobre 2023, selon le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 66 % des niveaux des nappes en France étaient sous les normales mensuelles. 

Une bassine est financée par l’argent public. 

Vrai et faux. C’est vrai, 70 % du coût d’une bassine est financé par l’argent public, via les Agences de l’eau. Les 30 % restants sont à la charge de l’irrigant pour la construction. L’agriculteur doit ensuite supporter les charges de fonctionnement de la réserve, comme le pompage, très gourmand en électricité. Avec la guerre en Ukraine, l’inflation et le surcoût de l’énergie, les charges de fonctionnement ont explosé pour l’irrigant : le mètre-cube d’eau stocké dans une retenue est passé de 4,50 € en 2019 à 7,20 € fin 2022, selon les calculs de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne (AELB).

Tous les agriculteurs peuvent en profiter. 

Faux. La bassine est d’abord un projet porté par un agriculteur irrigant membre d’une Société coopérative de gestion de l’eau (SCAGE). La très contestée bassine de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) ne pourra être utilisée, par exemple, que par douze agriculteurs, dont sept céréaliers. A l’échelle d’un département comme la Vienne, les 30 retenues prévues ne profiteraient qu’à 149 fermes sur 3 500 au total, selon les chiffres de la Chambre d’agriculture de la Vienne. Ce partage inéquitable de l’eau avec les autres agriculteurs et usagers (consommateur, naturaliste, pêcheur…) est l’une des critiques formulées par les opposants. Ils déplorent l’absence de dialogue autour du partage du précieux liquide et dénoncent un passage en force.

Sans irrigation, l’agriculture n’est pas possible. 

Faux. La grande majorité des agriculteurs cultivent sans irrigation et profitent uniquement des pluies pour assurer leurs productions. En France, seule 6,8 % de la surface agricole utile était irriguée en 2020, selon Agreste. Les irrigants défendent les bassines comme un outil de sécurisation des rendements. Soutenus par le syndicat agricole majoritaire FNSEA, ils affirment lutter contre le réchauffement climatique grâce au principe dit de « substitution ». En opposition, la Confédération paysanne dénonce une « mal-adaptation » d’un système agricole reposant sur la monoculture intensive (comme le maïs) dépendante des engrais et des pesticides. Les opposants préconisent de trouver de nouvelles productions autour de l’agroécologie, permettant d’obtenir une résilience naturelle des sols pour faire face aux épisodes de sécheresse.

Xavier Benoit, La Nouvelle République du Centre-Ouest

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