MCS : le calvaire d’une Bragarde chimico-sensible
L’hypersensibilité chimique multiple (MCS) n’est pas reconnue par la Sécurité sociale. Pourtant, cette maladie impacte fortement la vie des personnes touchées. Une Bragarde en souffrant – ayant requis l’anonymat – a souhaité raconter son quotidien. Pour sensibiliser.
Il nous a été demandé de ne pas mettre de parfum. Reconnaissons que ce n’est pas courant, pour un reportage. C’est pourtant essentiel, pour rencontrer Jacquie*, une Bragarde de 68 ans, habitante du quartier des Ajots et souffrant d’hypersensibilité chimique multiple (MCS, pour Multiple chemical sensitivity). Cette maladie, pas reconnue par la Sécurité sociale, est une affection chronique faisant se développer de nombreux symptômes à la suite d’expositions à diverses substances chimiques, à des niveaux bien inférieurs à ceux connus pour avoir des effets sur la population.
À titre d’exemple, une exposition à des huiles essentielles ou à la fumée d’une cigarette – entre autres choses – peut déclencher chez une personne souffrant de MCS de nombreux symptômes, allant des vertiges aux palpitations cardiaques. « J’ai du mal à dire d’où c’est venu exactement chez moi, mais ça s’est déclenché autour de 2015. J’ai eu des vertiges, de l’hypertension, des douleurs articulaires et des problèmes intestinaux », rembobine Jacquie.
MCS = changement radical
Face à l’impossibilité de dresser un diagnostic, la Bragarde a trouvé ses réponses auprès de l’association SOS MCS, dont elle est membre depuis 2017. Pour faire face à sa pathologie, il lui a fallu radicalement changer son mode de vie. Finis les plats cuisinés, désormais Jacquie suit un régime strict, composé d’aliments bios, dépourvus de conservateurs, de colorants et plus globalement de substances chimiques qui l’intoxiqueraient. Tous les produits d’hygiène (gel douche, shampooing, dentifrice…) et d’entretien qu’elle utilise (lessive, savons…) ont aussi dû être changés.
« Je n’utilise que des produits sans conservateurs, parfums, perturbateurs endocriniens, huiles essentielles, ni OGM », liste Jacquie. Il lui a fallu mener de longues et minutieuses recherches pour trouver les bons produits. La majeure partie de ce dont elle se sert est d’ailleurs commandé en ligne. « Ça m’a suffisamment amélioré la santé pour me permettre d’aller au restaurant, ou manger chez des amis, de temps en temps », se réjouit-elle.
Perte de contact(s)
Mais, s’il y a un peu de mieux, la Bragarde reconnaît que la MCS a entraîné pour elle une « asocialisation ». Trop difficile d’être membre d’une association, et d’assister aux assemblées générales, d’aller à l’hôtel, ou de prendre l’avion. Même prendre le train ou aller au cinéma relève de l’épreuve, Jacquie devant enfiler un masque avec dix épaisseurs de filtre (évidemment pas remboursé) le temps que cela dure.
Elle prévient : « La MCS peut ne pas nous toucher directement, il est tout à fait possible d’accumuler les produits chimiques pendant des années, et puis que d’un coup, ça éclate… C’est sûrement ce qui m’est arrivé. » D’où l’intérêt de SOS MCS, qui, en plus d’informer le public sur la maladie, cherche aussi à faire bouger les lois, pour qu’enfin elle soit reconnue. Parce que Jacquie en est consciente, « je m’en sors grâce à mon pouvoir d’achat, mais pour quelqu’un de précaire, c’est presque impossible ».
Dorian Lacour
* Le prénom a été modifié.