Mauvaise tournure – L’édito de Patrice Chabanet
Il ne faut se faire aucune illusion : la campagne présidentielle sera très dure. Les attaques verbales ne respirent pas le bon air démocratique. On ne convainc pas, on démolit l’adversaire. Quel citoyen de ce pays peut discerner des esquisses de programmes dans cette avalanche d’anathèmes et de noms d’oiseaux ? La mauvaise foi des uns et des autres se nourrit aussi des dissensions internes des partis en compétition. On le voit avec le psychodrame qui secoue l’extrême droite : Marine Le Pen ou Marion Maréchal ? Comme dans un ballet bien réglé, la gauche exhibe ses dissensions à travers une bataille d’ego dont elle a souvent le secret : Mélenchon s’arroge le premier rôle et Jadot n’entend pas s’inscrire dans son sillage, tandis que Anne Hidalgo refuse d’admettre ses scores calamiteux dans les sondages.
Jusque-là, pas de quoi fouetter un chat, estimeront les blasés de la politique. Sauf que cette fois-ci la violence s’installe déjà dans le débat. Des élus sont poursuivis, agressés jusqu’à leur domicile. Un Premier ministre est traité d’assassin au point de faire sortir de ses gonds Robert Ménard qui n’a rien d’un suppôt gouvernemental. Son observation se fonde sur un sentiment partagé sans doute par de nombreux Français : la bêtise, l’indigence et l’outrance de certains comportements nous rapprochent d’une forme de guerre civile, une manie bien française de purger les conflits internes. Pour le moment, cette guerre civile reste froide. Elle pourrait devenir chaude si les corps intermédiaires, à commencer par les partis, continuent à regarder ailleurs. Tous, sans exception, ont l’obligation de calmer le jeu, sans se déjuger pour autant. C’est le jeu de la démocratie. Faute de quoi l’abstention gagnera la partie, avant-dernière étape avant l’aventure.