Mauvaise conscience – l’édito de Patrice Chabanet

Signe des temps : les Restos du cœur font le plein. Les responsables de l’association créée par Coluche craignent déjà le pire pour les mois à venir. L’institution est prise en tenailles entre l’augmentation des charges et l’accroissement impressionnant des bénéficiaires : 1,3 million pour les six premiers mois de 2023 contre 1,1 million pour l’ensemble de l’année 2022.

Le “succès”, si l’on ose dire, des Restos signe notre mauvaise conscience. Dans l’un des pays les plus riches du monde, des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ne mangent pas à leur faim. Ils en sont réduits à une mendicité organisée qui respecte leur dignité. C’est pourquoi, dès hier, des soutiens matériels se sont manifestés. Le gouvernement s’est engagé à mettre 15 millions sur la table. La famille de Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France, versera 10 millions. On pourra toujours relever que les grandes fortunes se donnent bonne conscience à moindre coût. Mais l’essentiel n’est pas dans l’interprétation de tel ou tel soutien. On pourra toujours gloser à l’infini. Il est dans le déclenchement rapide d’une solidarité nationale. A cette aune-là, des chèques de cinq ou dix euros prennent une valeur symbolique au moins aussi importante que des sommes plus importantes.

Il n’en demeure pas moins vrai que la France aura gagné son pari dans la lutte contre la pauvreté uniquement lorsque les Restos du cœur seront devenus inutiles. On en est loin. Ils ont été créés en 1985…Pour combien de temps encore ? Pour longtemps, on peut le craindre.