Marie d’Epizon, l’engagée poétique
Ses parents chantaient. Elle ne pouvait être qu’à la meilleure école. Avec des textes ciselés remarquablement écrits, Marie d’Epizon, intimiste, toute en sensibilités, parcourt les scènes de France.
D’abord, sa voix, elle la prête aux standards éternels de grands de la chanson française, Brassens, «puits sans fond de références littéraires», Brel, Ferré, Barbara «qui raconte notre histoire», Gainsbourg, Ricet Barrier, Anne Sylvestre… Des interprétations remarquables, tout en finesse, tantôt en toute sensualité, toujours dans son style, et qui lui ont valu un succès d’estime à travers la France et même à l’étranger. Marie a la voix claire, a du talent, et le fait valoir dans le circuit parallèle de la chanson, ce milieu “off”, populaire sans être commercial. Elle y évolue comme un poisson dans l’eau, parvenant à donner beaucoup de plaisir aux gens via des textes profonds, émouvants, la plupart écrits par son complice Claude Kintzler.
Ayant posé ses valises en Languedoc il y a 30 ans, Marie, fille d’ouvrier, n’a jamais oublié sa Haute-Marne natale d’où, pour les besoins de la scène, elle a emprunté le nom du village de ses racines (Epizon). Cet été et cet automne, Marie aura chanté et lu des textes «gourmands» devant son public à Fayl-Billot et à Arc-en-Barrois. Elle a, jadis, déjà pris part au Festival Bernard-Dimey à Nogent. «J’aime Epizon et la Haute-Marne, j’y reviens le plus souvent possible», souligne celle qui revisite “Le marchand de sable”, chanson qui évoque son enfance dans le Vallage.
Souvenirs, donc. Marie, sa première guitare en main, a commencé à chanter avec des copains de lycée. Artiste dans l’âme, elle a suivi en dilettante les cours d’histoire de l’art avant de répondre à l’appel du spectacle. Il a fallu à la jeune femme à la sensibilité bien perceptible franchir le mur d’un défi : celui du trac.
La chanteuse qu’on invite chez soi
Depuis la chanteuse, auteur, compositeur, interprète, guitariste, “diseuse”, très demandée, va de scène en scène, tenant jalousement à son indépendance. Les grands podiums ne sont pas faits pour celle qui veut rester proche de son auditoire. Echange toujours recherché, sinon spontané. Ne propose-t-elle pas des spectacles chez l’habitant, “Les Chant’appart” ?
A travers la douceur des mots et une simplicité toute musicale, pointe une rebelle à petites touches, ancrée dans son temps. Comment détourner la voix devant tous ces naufrages, version contemporaine et tragique du Grand Bleu ? «Ces tristes compagnons d’Ulysse subissent leur dernier supplice dans les abysses les grands fonds…» Tendre hommage aux migrants en quête d’Eldorado et en proie à l’indifférence, dans la “Sirène de Lampedusa”, un des titres marquants du dernier opus – le quatrième CD de Marie – “Bleu nuit” qui vient de sortir. La chanteuse invite à nous voir dans le miroir des sentiments, rappelant dans une atmosphère parfumée de mélancolie cette insouciance révolue «le nez au vent et la vie devant…». Superbe chanson sur l’espérance.
L’authentique poésie de Marie, qui, dans ses tournées, ressuscite aussi les textes de Dimey et de Leprest, n’a pas échappé à Paco Ibanez qui l’a fait un jour monter sur une scène espagnole, à ses côtés, et pour qui la chanteuse est «une des plus importantes interprètes françaises actuelles». Rien que ça.
Artiste véritable, loin des honneurs, la Haut-Marnaise se distingue déjà par son humilité, sachant que le métier de chanteuse est difficile, et, qui plus est, dans son cas, sans grands relais médiatiques. Mais la passion ne se nourrit pas de regrets, ni de gloire. “L’optimiste inquiète” trace un sillon de bonheur entraînant derrière elle bien des âmes en quête de songes, de vérité, de paix et de légèreté. L’essentiel est là. Nous ne sommes riches que de notre poésie… C’est la devise de Marie.
Eric Piderit