Marché ou musée ? Le menu langrois a changé
Langres a eu son marché couvert, à la place duquel se situe aujourd’hui le musée d’art et d’histoire. Non, pour être exact, son parking.
Qui célèbre les nourritures terrestres atterrit un jour au marché : le désir est aux commandes, et il s’exprime pour partie à travers l’appétit, qu’il s’agit de satisfaire. Qui célèbre les nourritures intellectuelles franchit la porte du musée : en patron toujours, le désir de savoir se manifeste pour partie dans la contemplation des empreintes de l’histoire, de l’art. Pourquoi est-on rompu à opposer les deux menus, mystère ou à peu près, on retient que l’idée que l’on cocherait une case ou bien l’autre résiste au temps. Ses partisans pourront voir dans le remplacement du marché couvert de Langres -ici, le 20 janvier 1896- par le musée d’art et d’histoire une illustration qu’ils sont fondés à la défendre. Comme si le second avait pris le relais du premier. Toutefois, et sans vouloir froisser personne, c’est plus exactement le parking dudit musée -là, le 3 février 2022- qui a remplacé le marché coiffé, c’est un lieu de rangement de véhicules inertes qui a pris le pas sur un lieu de convergence de personnes, même si celles qui figurent sur cette photo ancienne ont plutôt l’air figé.
On imagine le bâtiment arc-bouté sur la fonte, baigné dans la lumière que d’immenses baies vitrées renversent à l’intérieur. Et on est même tenté d’y voir les étals, d’entendre le brouhaha des commerçants qui vantent leurs produits dans le même temps que leurs clients les commandent, un peu plus s’il vous plaît, pas autant merci vous avez eu la main lourde. Bref, l’image du marché couvert a une puissance évocatrice.
Si, en devenant un garage à ciel ouvert, la place du Centenaire est aujourd’hui diablement utile, on peut douter de sa capacité à déclencher pareille rêverie.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr