Marchand de sommeil
Déclaré coupable de refus d’exécuter des mesures remédiant à l’insalubrité d’un logement, un propriétaire de biens joinvillois s’est vu confisquer un logement au confort digne d’un autre siècle.
«Je suis toujours déclaré en tant qu’artisan, mais je tire la quasi exclusivité de mes revenus de mon activité immobilière» : d’un voix frêle, Cosmo Lee Jones n’aura pas tardé à sombrer dans de coupables approximations. Peinant à détailler l’étendue de son patrimoine, le prévenu finira pas concéder posséder «une vingtaine» de logements.
Manifestement étranger aux règles et principes de la location de biens, le bailleur s’est rappelé aux mauvais souvenirs d’une affaire témoignant de l’extrême légèreté imputée à marchands de sommeil et autres affairistes exploitant la misère humaine. Le rappel des faits renvoie à l’année 2004. Accompagnant une personne sous tutelle, les services du Centre communal d’action sociale (CCAS) de Joinville entrent en contact avec le bailleur privé afin de répondre à une situation des plus urgentes. L’état du logement proposé par Cosmo Lee Jones n’est pas s’en interpeller les personnels du CCAS. Le bailleur s’engage à remettre le logement aux normes dans les meilleurs délais. Le CCAS prend en charge la caution et le locataire s’acquitte d’un loyer mensuel de 305 euros.
La situation ne tarde pas à se dégrader. En décembre 2008, les services de la Direction départemental des affaires sanitaires et sociales (DDASS) dressent un inquiétant état des lieux. Absence de chauffage, installation électrique hors normes… Ces manquements entraînent la publication d’un arrêté préfectoral d’insalubrité. Sommé d’effectuer d’indispensables travaux dans les meilleurs délais, Cosmo Lee Jones est appelé à prendre en charge les frais de relogement du locataire. Le prévenu mettra de longs mois à répondre à cette obligation, la somme de 1 382 euros demeurant impayée. Nul travaux ne sera par ailleurs effectué dans le taudis visé par l’arrêté préfectoral.
«Population démunie»
Intervenant au nom de la mairie de Joinville, Maître Creusat a éclairé le tribunal au cours d’une acerbe et révélatrice plaidoirie. «Le ton de monsieur est bien différent de celui employé auprès de ses locataires. Cet homme recherche des personnes en difficulté afin de pouvoir imposer ses abus à une population démunie. Nous sommes devant un marchand de sommeil ! Un vrai propriétaire consacre une partie de ses revenus à la remise aux normes de ses biens, ce professionnel du bâtiment préfère amasser l’argent et profiter de la vulnérabilité de ses locataires», martelait l’avocat. Aux mots de Me Creusat s’ajoutait un témoignage édifiant lorsque le conseil révélait les conditions de vie d’une locataire vivant depuis plus d’une semaine dans un logement aux fenêtres brisées. Malgré plusieurs sollicitations, Cosmo Lee Jones n’aura pas trouvé le temps de remédier à une situation témoignant de l’inhumanité du prévenu.
Choquée par l’attitude délétère de Cosmo Lee Jones, le procureur Bellet livrait un brillant réquisitoire. «Nous ne parlons pas d’animaux, nous parlons d’êtres humains logés dans des conditions que la SPA ne validerait pas pour l’accueil d’animaux ! Le logement ne disposait d’aucune isolation, les tuiles et les poutres étaient apparentes. Monsieur s’est contenté d’encaisser les loyers tout en se déclarant comme artisan au registre du commerce afin de profiter de droit sociaux», soulignait la représentante du Ministère public avant de requérir la confiscation du logement. Après en avoir délibéré, le juge Thil est ses assesseurs livraient une décision lourde de sens : appelé à céder son appartement à l’Etat, Cosmo Lee Jones devra débourser 2 682 euros afin de dédommager et réparer les frais et le préjudice moral supportés et enduré par la Ville de Joinville.
Sensibiliser et réprimer
«Une commune peut avoir honte de compter de pareils propriétaires. La Ville de Joinville veut faire un exemple», a souligné Me Creusat au cours de sa plaidoirie. Présente en salle d’audience, la Directrice générale des services de la commune a également veillé à alerter les bailleurs des risques encourus en cas de non respect des normes garantissant la salubrité des logements ouverts à la location. «Des problèmes similaires se posent avec d’autres appartements, a souligné la représentante de la Ville. La mairie réhabilite beaucoup de logements, mais les propriétaires doivent assumer leurs responsabilités.» Erigés il y a plus d’une centaine d’années, de nombreux immeubles de la vielle ville seraient concernés par divers manquements aux règles élémentaires de salubrité. La malhonnêteté manifeste des propriétaires n’est pas toujours en cause : appâtés par le boom de l’immobilier, des apprentis bailleurs souffrent d’un manque d’information. N’anticipant pas le coût d’une mise aux normes, certains doivent ainsi supporter financièrement des biens impropres à la location. Consciente d’un manque d’information auprès de propriétaires et locataires, le procureur Bellet a mis en exergue la politique portée par le Parquet de Valenciennes. Précédant une série de décisions de confiscation d’immeubles, une campagne de sensibilisation menée en collaboration avec la presse locale a permis aux propriétaires et locataires du département du Nord d’intégrer les droits et de devoirs de chacun.