Manolo Rodriguez, le maître verrier qui entretient la flamme
Fermée depuis 2016, la Cristallerie royale de Champagne, à Bayel, perpétue son savoir-faire grâce à un homme en particulier : Manolo Rodriguez. Rencontre avec un maître verrier passionné. En… verre et contre tout.
Son petit atelier de Bayel, à quelques dizaines de mètres en contrebas du Musée du Cristal, Manolo Rodriguez en a fait sa seconde maison. Depuis 1980, il souffle, polit, assemble et travaille le verre. Il est le dernier maître verrier de l’Aube et de la Haute-Marne. Quarante-trois années de passion, intacte. Et si l’heure de la retraite approche, elle attendra, tant qu’il n’aura pas formé son successeur.
Le verre, c’est sa vie. Quand, en 2016, la Cristallerie royale de Champagne et ses plus de 300 ans d’histoire ont fermé définitivement leurs portes, il a perdu une partie de lui. Créée en 1666, la Manufacture employait encore 600 personnes dans les années 1960. Après avoir changé à plusieurs reprises de propriétaires et essuyé des tempêtes successives, la Cristallerie ne comptait plus que 60 salariés en 2005, puis 39 dans ses derniers mois d’existence.
« Voir fermer la Cristallerie, ça a été un crève-cœur, reconnaît Manolo. On a voulu nous envoyer chez Daum, à Vannes-le-Châtel (Meurthe-et-Moselle), personne n’a suivi. Certains ne s’en sont jamais remis, d’autres ont été contraints de se reconvertir. Moi, je suis resté. Je suis désormais seul, mais j’en suis fier, même si je peine toujours à retourner dans la Cristallerie. Tout a été laissé à l’abandon, ça me fait mal ».
« Une matière vivante et fragile »
A 58 ans, Manolo Rodriguez évite de trop regarder dans le rétroviseur à présent. Grâce au travail mené par l’Office du Tourisme pour conserver un Atelier du verre, mêlant démonstrations de soufflage et fabrication de verres et d’objets décoratifs notamment, Bayel a conservé son savoir-faire. Tous les jours, le maître-verrier, souci du détail vissé au corps, s’attache à le transmettre.
Aux visiteurs, bien sûr, qui viennent toujours par milliers chaque année pour découvrir, les yeux écarquillés, toute la minutie et la patience qu’exige le travail et le soufflage du verre, « cette matière vivante et donc très fragile ». « Ce n’est pas du Made in China », insiste Manolo Rodriguez. « C’est du fait main et il est très important de le faire comprendre ! ». Aux élèves verriers aussi. « Ce ne sont pas les jeunes qui manquent à l’école. Mais il faut trouver les maîtres de stage et c’est compliqué ».
La transmission comme moteur
Depuis novembre dernier, Manolo Rodriguez forme un jeune apprenti. Gaëtan Oheix est le troisième qui passe ces dernières années entre ses mains expertes. Le jeune homme, qui a grandi en banlieue parisienne, aux Ulis, possède un profil atypique très intéressant. Actuellement engagé dans un CAP Art du verre et du cristal au Cerfav (Centre Européen de Recherche et de Formation aux Arts Verriers), à Vannes-le-Châtel, il a validé, auparavant, un cursus d’ingénieur en aménagement du territoire et gestion hydraulique, près de Lyon.
« J’ai toujours été passionné par le soufflage de verre. Petit, quand mes parents m’emmenaient voir des démonstrations, je ne voulais jamais partir. Cette idée ne m’a jamais quitté, même si j’ai poursuivi des études dans un autre domaine, pour sécuriser mon avenir. A présent, je découvre ce métier passionnant. Je ne sais pas où cela me mènera mais je suis heureux », raconte-t-il. En alternance pendant deux ans, Gaetan Oheix sera peut-être le futur verrier de l’atelier de Bayel. Pour que se poursuive la belle histoire.
Delphine Catalifaud
d.catalifaud@jhm.fr