Malheureux hasards – L’édito de Christophe Bonnefoy
Il est des hasards qui tombent assez mal. Et même, qu’on pourrait prendre pour des provocations. Quoique. Tout dépend où l’on se situe. Chacun aura ses arguments, pour dénoncer ou louer les bénéfices records de TotalEnergies. Les uns hurleront, un peu façon Louis Boyard lundi à l’Assemblée nationale. Les autres se féliciteront qu’une entreprise française annonce avoir dégagé en 2022 le meilleur bénéfice de son histoire.
Le bénéfice net du cinquième groupe pétrolier privé mondial ? A quelques centimes près peut-être,19 milliards d’euros. Ça fait rêver. Ou ça fait rager. Surtout à l’ère du litre d’essence qu’on soupçonnerait presque d’être coupé à la poudre d’or. Autour de 2 euros. A la fois peu et beaucoup, si on met les chiffres côte à côte.
Les chiffres feront rêver, entre autres le gouvernement, qui avancera les 30 000 emplois du groupe dans notre pays. Les impôts payés en France. Et plus largement l’excellence française. Les mêmes chiffres viendront à l’inverse alimenter la colère des opposants à la réforme des retraites. Ceux-là même qui se verraient bien taxer les plus riches pour faire passer le projet du gouvernement de vie à trépas. Ponctionner les géants de notre économie serait-il la solution miracle pour sauver nos retraites ? Mathilde Panot et consorts le pensent. Peut-être parce que leur principal talent est de savoir manier les symboles à dessein.
Mais pour le coup, ces chiffres presque tombés du ciel à deux jours de la manifestation du 11 février alimentent le moulin à paroles. Et apportent forcément de l’eau à celui de la contestation. Il est pour le moins maladroit de venir parler de milliards de bénéfices quand en ces temps de crise, nombre de Français en sont réduits à compter à l’euro près. Malheureux hasards…