Maïva Hamadouche, marraine du gala de boxe de Chaumont : « Je représente la France, toute la France »
Pour l’édition 2021 du gala du Boxing club de Chaumont, vendredi 3 décembre, à la salle Jean-Masson, les organisateurs, Marc Grennerat en tête, ont mis les petits plats dans les grands, avec onze combats dont trois professionnels, et une marraine de marque, en la personne de Maïva Hamadouche, championne du monde IBF.
Policière et boxeuse. Maïva Hamadouche, qui a intégré l’école de police de Rouen, en 2009, a débuté la boxe dès son plus jeune âge et passe professionnelle en 2013.
Deux ans plus tard, la native d’Albi devient championne d’Europe des poids légers, à Milan, puis conserve son titre un mois plus tard, à Clichy, toujours face à l’Italienne Anita Torti.
Mais Maïva Hamadouche ne s’arrête pas là. En novembre 2016, elle remporte son premier titre de championne du monde IBF des super-plumes, à Paris. C’est tout simplement la troisième Française à gagner ce titre, après Myriam Lamare et Anne-Sophie Mathis. Excusez du peu.
A plusieurs reprises, celle qui est surnommée “El Veneno” (le “poison” en Espagnol) conserve son titre et retrouve l’équipe de France amateur. Un retour marqué par une médaille d’argent aux championnats d’Europe, en août 2019, à Madrid. Qualifiée pour les Jeux olympiques à Tokyo, en juillet dernier, la Française est éliminée en 16e de finale.
Performante sur le ring, Maïva Hamadouche s’est également distinguée en juin 2017, en sauvant un jeune migrant mauritanien blessé par un conducteur, en lui appliquant un garrot à la jambe. Pour cet acte de bravoure, elle a reçu, en mars 2018, la médaille de bronze du courage et du dévouement de la préfecture de Paris. Respect.
Le Journal de la Haute-Marne : Qu’est-ce qui vous a convaincu de venir à Chaumont ?
Maïva Hamadouche : « J’ai toujours l’habitude de participer aux événements sur Paris, et cela me fait sortir de la région parisienne. C’est important, car il ne faut pas oublier les clubs qui aiment la boxe en dehors de la région parisienne. Je savais que j’allais être appréciée et, en tant que championne du monde, je représente la France, toute la France. »
JHM : Pourquoi avoir choisi la boxe ?
M. H. : « Je cherchais un sport de contact et le football n’était pas assez physique et je n’avais pas l’esprit d’équipe à cette époque-là et je ne l’ai toujours pas ! J’aime bien les sports individuels. Je suis tombée sur un club de boxe et je me suis dit pourquoi pas ? Cela a été une révélation ce jour-là. »
JHM : La boxe est-elle un moyen d’évacuer le stress dû à votre métier ?
M. H. : « Oui, bien sûr. La police et la boxe se complètent vraiment. J’évacue le stress, la frustration et pas mal d’autres choses à travers la boxe. Cela me permet aussi de garder mon sang froid quand je suis sur le terrain. La police est un métier où il faut garder son calme, encore plus maintenant où on est confronté à des situations vraiment pas faciles sur le terrain et cela me permet de faire face à pas mal de situations. »
JHM : Quel est votre meilleur souvenir ? Votre premier titre mondial ?
M. H. : « Oui, ainsi que ma qualification pour les Jeux olympiques. Cela a été un grand, grand moment. En effet, la chose la plus dure lors des JO, c’est la qualification. Il y a des boxeurs moyens qui se transcendent et d’autres très forts qui perdent leurs moyens. Il n’y a pas de logique dans ces moments-là et on l’a vu, cela n’a pas été facile pour les femmes de se qualifier. C’est pourquoi les deux meilleurs souvenirs sont mon premier titre et la qualification olympique. »
JHM : Votre défaite aux Jeux olympiques est-elle une déception ?
M. H. : « Je suis contente d’avoir participé à cet événement planétaire, mais je suis triste par rapport au combat qui a eu lieu. C’était un combat très brouillon, avec beaucoup d’accrochages. Ce n’était pas du tout mon style de boxe, en plus. Le style de mon adversaire n’était pas à la hauteur de l’événement. S’entraîner autant pour ça… C’est pour cela que j’ai été très frustrée de ces Jeux olympiques. Je n’ai pas pu montrer mon vrai potentiel lors de ces JO. Je n’ai pas pu montrer ce que je savais faire et cela a été très frustrant. »
Tiraillée entre ses deux passions
JHM : De quoi êtes-vous la plus fière, de vos titres, ou de votre acte de bravoure ?
M. H. : « Ce jeune Mauritanien, cela reste une belle victoire aussi, parce que j’ai sauvé une vie. Les médecins et les chirurgiens en sauvent tous les jours, mais nous ne sommes pas pompiers, pas urgentistes et ce n’est pas donné à tous les policiers de faire cela. Cela m’est arrivé et c’est un moment qui, dans ma vie, restera gravé. Pour moi, cela vaut largement un titre mondial ! »
JHM : Est-il facile de concilier votre métier et votre carrière de boxeuse ?
M. H. : « C’est très, très difficile. Quand on est sportif de haut niveau, on est confronté, parfois, à un manque de compréhension. Certaines personnes ne comprennent pas notre statut. Je suis partagée par deux passions : la boxe et la police. J’essaie de ne pas me blesser dans la police pour pouvoir boxer. J’ai bien vu qu’il y a un manque d’équilibre chez moi si j’arrête une de mes deux passions. J’envisage d’aller m’entraîner à l’étranger pour mes prochaines échéances, car j’ai vu qu’il y avait certaines choses à changer. Cela demande encore plus d’investissement vis-à-vis de la police. Je suis en train de voir avec l’institution police qui me suit énormément. J’ai cette grande chance-là. Bien sûr, c’est donnant-donnant. Mais sans cela, ce serait beaucoup plus compliqué. Je suis tout le temps tiraillée entre ces deux passions. Bien évidemment, je mets la boxe devant parce que je que je fais maintenant, je ne pourrais pas le faire dans plusieurs années. J’essaie de toujours garder la police pour mon équilibre personnel. »
JHM : Quelles sont vos prochaines échéances ?
M. H. : « Revenir avec un palmarès positif. Je pense que Matchroom (son team avec les promoteurs Hearn et Cherchi) va me faire boxer très rapidement, sans doute début 2022. On a fait un très très bon combat, voire le meilleur combat féminin de l’année et pour moi, cela reste une valeur sûre. Il n’y a pas énormément de filles de mon niveau sur le plan mondial. Je sais très bien que la chance va revenir très rapidement vers moi. Il va falloir la saisir. Il va également falloir changer des choses. Tous les grands champions gagnent, perdent. A ce niveau-là, c’est compliqué. Il faut faire une large, large différence sinon, à ce niveau-là, cela ne passe pas. Faire la différence sur dix rounds de deux minutes est plus difficile que les hommes qui ont douze rounds de trois minutes… Eux, ils ont le temps de faire leur combat, alors que nous, cela passe relativement vite. Ce n’est donc pas aussi évident que les garçons. En France, ce combat-là, je l’aurais certainement gagné, car moi, je me vois devant. C’est à moi de faire des ajustements. »
Propos recueillis par Yves Tainturier