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Saint-Dizier. Le chantier de la maison éclusière s’est fait sans appel d’offre

Les travaux de la maison éclusière se sont faits sans appel d’offre au préalable.

URBANISME. Ouverte depuis plus d’un mois, la terrasse gourmande de la maison éclusière n’a pas fait l’objet d’un appel d’offres, ce qui aurait dû être le cas au regard de la loi. Comment cela a-t-il pu arriver ? A qui la faute ? Quelles conséquences ? Explications.

Evoquée en interne début juin à la suite d’une alerte, l’affaire s’est ébruitée il y a quelques jours sur les réseaux sociaux. Le chantier de la terrasse gourmande de la maison éclusière – inaugurée le 17 juin dernier – n’a pas fait l’objet d’un appel d’offre, ce qui aurait dû être le cas. Une erreur grossière qui n’est pas sans conséquences.

Retour en arrière

En 2011, la Ville de Saint-Dizier rachète la maison éclusière, en face de l’hôtel-restaurant François 1er. Il faudra attendre quelques années pour qu’un projet de réhabilitation émerge. Depuis 2018, comme elle nous l’a confié en avril, la responsable de l’établissement avait l’idée d’y créer une terrasse. Suite à l’arrivée de la nouvelle municipalité, l’idée fait son chemin. « Le projet est engagé fin 2020 en le confiant à la direction générale adjointe des services techniques », rappelle Quentin Brière.

Depuis, la date d’ouverture sera décalée à plusieurs reprises : septembre 2021, mars 2022 et finalement juin 2022. Un bail d’occupation de trois ans lie la ville à l’hôtel-restaurant.

L’affaire

Mais le 3 juin 2022, une alerte est remontée sur « une erreur grave », dixit le maire de Saint-Dizier, Quentin Brière. Ce dernier diligente alors une enquête administrative, réalisée par le directeur des ressources humaines. En conclusion, l’erreur de procédure est confirmée, via trois fautes : « L’absence de publicité et de mise en concurrence, un défaut d’information des élus et une faille dans le pilotage du projet », énumère l’édile.

Concrètement, les neuf entreprises qui ont œuvré sur ce chantier, auraient été choisies sans qu’elles n’aient eu besoin de candidater. Si plusieurs cas permettent de ne pas recourir à un appel d’offre, la maison éclusière n’entre dans aucun d’entre eux. A commencer par la somme plancher de 100 000 €, largement dépassée : le montant total des travaux étant chiffrés à 398 154,49 € TTC.

Paiements bloqués

Les conséquences peuvent être nombreuses (lire ci-dessous). Et le sont déjà. A commencer par l’absence de toute base juridique, raison pour laquelle le comptable a décidé de bloquer les paiements aux entreprises concernées. D’où l’objet de la délibération prise mardi 19 juillet, en conseil municipal. Les élus devaient statuer en faveur d’un protocole transactionnel, « une procédure à l’amiable » co-signée par la Ville et les différentes entreprises.

« Je ne supporte pas que le travail ne soit pas rémunéré, donc je voterai favorablement », clame Pascale Krebs qui a toutefois émis certains doutes aux explications du maire, à l’instar de Jean-Luc Bouzon (lire ci-contre).

Également élus d’opposition, Sarah Garcia et Didier Lissy se sont en revanche abstenus.

Louis Vanthournout

l.vanthournout@jhm.fr

Quelles conséquences ? 

Avec un montant total de 398 145,49 euros TTC, les travaux de la maison éclusière aurait dû, au préalable, faire l’objet d’une mise en concurrence et d’un avis de publicité (publication d’annonces légales). Seuls quelques cas très spécifiques permettent aux collectivités de passer outre : urgence et circonstances imprévisibles (danger sanitaire, risque d’incendie), absence de candidatures recevables dans un certain délai, coût inférieur à 40 000 euros HT… Un manquement grave à la procédure des marchés publics. 

Première conséquence une enquête administrative interne a été diligentée au sein des services de la Ville. Le directeur général des services, Christophe Landrin et le directeur des services techniques Jean-Luc Adt ont été déchargés de leurs fonctions.

Que peut-il se passer maintenant ? La collectivité risque un recours devant le tribunal administratif. De la part d’entreprises concurrentes de celles qui ont été choisies pour le chantier qui estimeraient avoir été lésées. Mais aussi par le préfet lui-même dans le cadre du contrôle de légalité pour non respect des règles de mise en concurrence.

Volontaires ou issues d’une négligence, les infractions en lien avec les marchés publics sont sévèrement punies. L’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics est un délit qui sanctionne le non respect des règles de concurrence et d’égalité des entreprises devant la commande publique. Les peines vont jusqu’à deux ans de prison et 30 000 euros d’amendes.

Quentin Brière : « Je n’étais pas au courant »

Quentin Brière a toujours nié être au courant de l’absence d’appel d’offre pour ce chantier. « J’ai confié la dossier avec confiance aux services techniques. De mars à juin 2022, aucune alerte ne m’a été remontée, que ce soit sur la procédure ou le budget. »

Le maire n’a pas voulu accabler les deux agents en question car « l’erreur est humaine ». Toutefois, « On ne peut pas accepter un tel irrespect de la procédure. C’est une faute trop grossière. C’est la crédibilité de la collectivité qui est engagée. »

Relancé par les élus d’opposition Pascale Krebs, Sarah Garcia et Jean-Luc Bouzon, Quentin Brière estime avoir fait l’objet d’un procès d’intention. « Les erreurs ont été reconnues sans aucune pression. Je vous le dis en toute transparence. » Avant d’assurer à Pascale Krebs : « Les yeux dans les yeux : je n’étais pas au courant ».

Jean-Luc Bouzon : « Le maire que vous êtes était forcément au courant »

Dossier brûlant de ce dernier conseil municipal, le dossier de la maison éclusière n’a pas manqué de faire réagir l’opposition.

Jean-Luc Bouzon a ainsi évoqué un « scandale politique » en abordant le sujet. « La loi est claire. Cette absence d’appel d’offres est illégale.  Vous auriez dû y avoir recours et vous le saviez parfaitement. (…) Dans ce dossier, les responsabilités sont politiques. Ne comptez pas sur Geneviève Donato et moi-même pour que votre responsabilité de maire, tout comme celle de Rachel Blanc, première adjointe et présidente de la commission d’appel d’offre, soit évacuée en la détournant sur des personnels municipaux qui serviraient de « fumée écran », de « fusibles ». Ce sont les élus qui décident et les fonctionnaires appliquent ». (…) « Le maire que vous êtes était forcément au courant qu’un appel d’offre n’avait pas été lancé pour ces travaux. Vous avez une formation d’avocat, alors vous connaissiez depuis le début la procédure qu’il aurait fallu mettre en place ». (…) « Face au retard des travaux, vous étiez obsédés par sa date d’inauguration. Ce n’est pas un mystère, vous la vouliez à tout prix avant le second tour des élections législatives. »

Pascale Krebs : « Je crois sincèrement qu’ils ont agi sous la pression »

De son côté, Pascale Krebs, autre élue de l’opposition, ne mâchait pas non plus ses mots. « Je ne vois pas comment vous pouviez ignorer jusqu’en juin qu’il n’y avait pas d’appel d’offre », a-t-elle lancé. « Les travaux ont débuté en février. Normalement l’architecte mène les appels d’offre sur ce type de dossiers.  En février il a dû être surpris. Vous ne me ferez pas croire qu’il ne vous a pas alerté. Ce n’est pas possible. On vous a vu faire des visites de chantiers, l’architecte était là. Les entreprises nous ont alerté très rapidement, je ne comprends pas que la moitié de la ville soit au courant mais pas le maire et la première adjointe en charge de la commission d’appel d’offre. » « Je trouve très indélicat de votre part de faire porter le chapeau sur deux agents », a-t-elle ajouté. « Je crois sincèrement qu’ils ont agi sous la pression, vous les avez obligé d’agir de façon très rapide. Faire porter le chapeau, c’est un manque de courage politique. Vous auriez dit : “on a voulu se dépêcher pour X raisons”, que vous vouliez aller vite, pourquoi pas, mais ne pas admettre que vous étiez au courant et faire porter le chapeau ce n’est pas bien ».

Pour les Patriotes, « Il y a un vrai problème de transparence »

Les Patriotes de Haute-Marne, l’antenne haut-marnaise du parti de Florian Philippot, se sont émus de la situation sur les Réseaux sociaux le 14 juillet. « Les travaux pour la maison de l’écluse ont coûté plus de 100 000 euros. La loi impose à partir d’une somme pour les marchés publics de faire publier au journal officiel un appel d’offre. Il semblerait que cette procédure n’a pas été respectée par la ville qui s’est contentée de deux à trois devis avant de signer les actes. Deux directeurs de la ville ont servi de fusibles mais le principal responsable c’est Quentin Brière. Il est avocat de formation, c’est un professionnel du droit donc il ne pouvait pas ignorer la loi. Les Patriotes de Haute-Marne demandent que toute la lumière soit faite sur cette affaire. »

« Je trouve qu’il y a un vrai problème de transparence de la Ville » confiait David Martimort, le référent des Patriotes de Haute-Marne, hier, peu avant le conseil municipal. 

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