L’opposition courage – l’édito de Patrice Chabanet
Les sympathisants d’Alexeï Navalny n’ont pas eu peur. Ils étaient des milliers à lui rendre hommage, à visage découvert, dans des obsèques sévèrement encadrées par la police russe. On a pensé un moment que le régime interdirait complètement cette manifestation de soutien. C’est donc une victoire pour l’opposition. Pour autant, on ne peut pas parler de défaite pour Poutine. L’ancien cadre du KGB a plus d’un tour dans son sac. Autoriser pareil rassemblement présentait un double avantage. Le premier était de nous faire croire que la Russie était un pays démocratique qui autorise le droit de manifester. Le second était plus vicieux, si l’on ose dire. Tous les manifestants ont été sans nul doute photographiés. Ils seront fichés et, tôt ou tard, ils devront s’expliquer. Certains, déjà connus des services de police, seront incarcérés.
Ces obsèques constituent-elles un baroud d’honneur pour l’opposition ? Difficile à dire aujourd’hui. Sans la figure emblématique de Navalny, elle manque d’incarnation, même si sa veuve se dit prête à reprendre le flambeau. Mais il n’est pas interdit de penser que ses idées vont continuer à s’infuser dans la société russe.
L’avenir des dictatures est toujours incertain, selon le bon vieux principe « plus dure sera la chute ». Souvenons-nous de celle de Ceaucescu. Lors d’un rassemblement pro-gouvernemental devant le palais présidentiel, quelques huées se sont fait entendre au début du discours du « conducator ». Quelques secondes plus tard les cris se sont transformés en bronca. C’était la fin d’un régime qui passait pour aussi solide que du béton. Puisse le précédent roumain revivre en Russie !