Lokoli, joueur à part

Le Corse Laurent Lokoli est un joueur tout sauf ennuyeux à voir sur un court de tennis, à l’image d’un Benoît Paire. Comme l’Avignonnais, Lokoli ne laisse pas indifférent. On aime ou on aime pas. Mais il se dégage quelque-chose de ce joueur au caractère bien trempé. Cela s’est vérifié, mais plutôt après son match. S’il a perdu pour la deuxième fois consécutive en cinq sets, hier, sur le court N°14 acquis à sa cause, contre le Slovaque Martin Klizan, il s’est battu comme un fauve.
Pourtant, le Bastiais de 22 ans, 281e mondial, aperçu il y a deux ou trois ans au Future de Saint-Dizier, rêvait de remporter son premier match en simple à Roland. Mené deux manches à rien, et ayant du mal à lâcher ses coups, le Corse est parvenu à recoller à deux manches partout (6-4, 6-0). Son adversaire, Martin Klizan, classé 50e mondial, impressionnant jusqu’ici, n’allait à ce moment-là plus sur les balles et semblait gêné physiquement.
Que nenni ! Le Slovaque retrouve comme par enchantement ses jambes et il attaque la manche décisive tambour battant. A 5-1 dans le cinquième set, Lokoli est dans les cordes. Mais tel un boxeur sonné, il retrouve un éclair de lucidité pour s’accrocher et revenir à 5-4, sauvant trois balles de match au passage, devant un public, comme son poulain, bien chaud. Mais la réalité l’a rattrapé et Klizan a plié l’affaire (6-4). L’image la plus marquante se déroule juste après le match, qui a été agrémenté de plusieurs échanges verbaux entre les deux hommes. Klizan veut serrer la main du Corse, comme cela se fait habituellement. Mais celui-ci la refuse, lui signifiant d’un geste sans équivoque de retourner vers sa chaise. «Si je ne lui ai pas serré la main, il y a une raison. Le type, il ne va pas sur les amorties, il fait genre il a mal à la jambe pendant plus de deux sets, et là, comme par hasard, dans le cinquième, il court comme un lapin. Et après, il me parle de respect… C’est lui qui a été irrespectueux», a réagi en sortant du court le bouillonnant Corse.

«C’est juste irrespectueux»

Quelques minutes plus tard, Lokoli, invité par les organisateurs, après un bon début de saison sur des tournois Future, ne décolérait pas contre l’attitude de son adversaire qu’il a jugée antisportive. «Il faut assumer ce que l’on fait. Je sais pourquoi je ne lui ai pas serré la main. Que cela soit dans un Future, au fin fond d’un pays ou à Roland-Garros, Il faut avoir une certaine tenue ici. Les gens sont en train de minimiser ce qu’il a fait. Quand il se tenait la jambe, je me suis dit qu’il allait abandonner. Pendant deux sets, il se bat comme un chien. Ensuite, il ne va plus sur les amorties. Au quatrième set, il balance des coups et j’avais l’impression qu’il n’était plus là. J’aurais préféré qu’il appelle le docteur. C’est juste irrespectueux. Je critique l’homme, même s’il pratique un beau tennis et a emmené Wawrinka au 5e set, en Australie, cette année. Il a été plus fort. Je suis très déçu d’avoir perdu, mais je me suis battu à 2 000 milliards de pour cent», a réagi Lokoli, un joueur au caractère bien trempé, blessé pendant un an, passant de la 1 000e place à un retour dans le Top 300.
Sa wild-card a été critiquée car elle émanait selon certains de Bernard Giudicelli, le nouveau président de la FFT et ex-président de la Ligue de Corse. «Tout le monde nous a fiché avec Bernard, mais je me suis qualifié deux fois pour des grands tableaux en Grand chelem, je suis remonté de la millième à la 280e place mondiale. J’ai le niveau. Je sors la tête haute. J’y ai cru jusqu’au bout. J’ai même terminé crampé dans les vestiaires», conclut Laurent Lokoki, persuadé que son tour viendra Porte d’Auteuil.

Nicolas Chapon