Logement piteux au cœur de Langres
Après qu’un incendie a pris au rez-de-chaussée d’un immeuble du centre historique de Langres, une famille a réintégré son logement. Il est rongé par la moisissure et infesté de souris. La chaudière est en panne, aussi. ENCOURSENCOURS
« Quand un feu s’est déclaré dans la cage d’escalier, le 25 août dernier, je me suis débrouillée toute seule pour trouver à me reloger ». Cindy rejoint le studio de 20 m2 de son compagnon avec ses deux enfants de 13 et 14 ans, à Bourbonne-les-Bains. Les quatre chiens et les deux chats déménagent aussi. Scolarisés à Langres, les ados font la navette pendant trois semaines. « À notre retour à Langres, les souris avaient dévoré les fils électriques de la chaudière, l’appartement était envahi de puces ». L’absence de chauffage oblige la famille à se réfugier dans deux ou trois pièces, où elle branche des ventilateurs d’appoint. Sous l’effet de l’humidité, les meubles s’incurvent, les pieds de la machine à laver fondent, la tapisserie gondole, le lino se décolle, laissant apparaître un mille feuilles de bois pourri -« il y a cinq couches ». La cuvette des toilettes chancèle, des velux ne ferment pas, il y a des fissures au mur, des trous sur le plancher et un tel jour sous la plinthe de la chambre des enfants qu’on y coule une main. La colonie de souris prospère.
Chancèlement général
« ENGIE et la propriétaire m’ont dit que je devais payer le faisceau électrique de la chaudière ». Sauf que, même si le devis est modeste, Cindy, qui perçoit le RSA, n’a pas le moyen. En outre, à quoi bon engager des frais pour chauffer le dehors avec le dedans. Un représentant du groupe Urbanis, qui lutte contre l’habitat indigne, a visité le logement, pris des photos. Et recontacté Cindy. Avant que des employés de l’agence régionale de santé sont déplacent, mi-octobre. Ils doivent rendre un rapport, illustrations à l’appui. En attendant, le quotidien est un enfer. « Le sol bouge tellement qu’on craint de passer à travers ». Pour sortir du logement, il faut emprunter l’escalier de bois où l’incendie s’était déclaré. Il résiste mal aux assauts de l’humidité et de la crasse. « Si je pouvais déménager, j’aurais peur qu’en transportant le réfrigérateur, la machine à laver, il s’effondre ». L’aspect de la toiture de l’immeuble, sur laquelle un mur porteur s’éventre, donne également des frayeurs. Cindy rêve de vivre dans une vraie maison avec jardin. En attendant, elle filme les souris qui galopent chez elle et ramasse leurs cadavres, ça et là, sauf à ce que ses chats la prennent de vitesse.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr
Urbanis « n’a aucun contact avec la propriétaire »
« Il faut rester très prudent sur les responsabilités ». C’est ce que la technicienne du bureau d’études Urbanis dont le Grand Langres s’est adjoint les services dans le cadre de l’opération Féli’cités demande pour tout préalable. Tout en actant que, « depuis juillet, la situation s’est dégradée » (Urbanis avait visité le logement le 08 du mois). La technicienne, qui intervient au titre de l’action contre le logement indigne d’Urbanis, a en effet appris que de chauffage et d’eau chaude, il n’y avait plus, mais qu’en revanche, des rongeurs, oui. De sorte que « le dossier laissé par (sa) collègue (était) incomplet » -dossier « pour la médiation, par laquelle Urbanis passe toujours ». Y a alors été ajouté un volet « insalubrité ». Pour le bureau d’études, « le logement n’est pas décent », sachant que se greffent d’ « autres insuffisances pour tout ce qui est performance thermique », même s’il convient de rappeler qu’un locataire a aussi des obligations -l’entretien des lieux notamment. Le chef de projet Nicolas Lafarge « a fait intervenir l’agence régionale de santé (ARS) », en mentionnant des « éléments à charge pour la propriétaire, et aussi de problèmes d’occupation des locataires » dans un mail du 29 octobre. L’ARS s’est à son tour rendue sur place le 03 novembre, avec un technicien du Grand Langres. Celui-ci a indiqué à Urbanis qu’ « il exist(ait) de gros problèmes d’insalubrité ». L’ARS a rendu son rapport vendredi 03 décembre au comité logement indigne d’Urbanis. L’ « arrêté d’insalubrité » que le bureau d’études pressentait n’avait pas été pris mercredi 08 décembre et l’ARS indiquait qu’elle ne ferait plus aucune nouvelle communication publique « sur ce cas ».
Par ailleurs, Urbanis « n’a aucun contact avec la propriétaire ». À la connaissance du bureau d’études, la chaudière aurait aussi besoin d’une pièce de plomberie, que l’artisan refuserait de poser.
« J’ignore l’existence d’Urbanis »
« J’ai fait ce que j’ai pu pour ma locataire ». La propriétaire du logement en cause Marie-Hélène, qui sait que Cindy est sans chauffage et sans eau chaude, juge même que « toute seule », celle-ci « aurait été une très gentille fille ». À ses yeux, le véritable problème est… son compagnon. « Il l’influence à 200%. Il ne m’aime pas. J’ai très peur de lui ». Mais, déjà, pourquoi la chaudière reste-t-elle en panne ? « Elle est neuve. C’est moi qui l’ai changée ». Et de remonter le cours des derniers mois. « Quand il y a eu l’incendie, ma locataire a été relogée par le CCAS de la ville de Langres, c’était superbe ». De son côté, Cindy a maintenu qu’elle s’était « débrouillée toute seule », en allant vivre trois semaines chez son compagnon à Bourbonne-les-Bains. « En revenant, elle a constaté qu’elle n’avait plus de chauffage ». Marie-Hélène « fait venir Home Energy » (en réalité ENGIE Home services). Qui constate « un problème de petites bestioles ou de souris qui ont grignoté le faisceau électrique ». Coût de la réparation : 25€. « A ma connaissance, c’est le seul problème, il n’y a rien côté plomberie ». Les APL couvrent « 80% du loyer » donc Cindy a le moyen de régler cette somme. Marie-Hélène avance en outre qu’elle « lui avait dit qu’elle voulait bien la payer ». Sauf que ENGIE, qui « sature un peu » après qu’un de ses techniciens s’est déplacé pour rien depuis Dijon, l’en a dissuadée : c’est à la locataire de s’acquitter de cette facture. Et que pense Marie-Hélène du logement ? « C’est un appartement d’un certain standing. L’état des lieux émettait très peu de réserves sur les fenêtres. Je suspecte qu’ils aient fait les fissures ». Si Marie-Hélène « a entendu dire que le logement (était) dans un état déplorable », c’est donc assez dans le détail. Pourtant, « il n’y a pas de situation de blocage ». D’ailleurs, la propriétaire ignore l’existence d’Urbanis. « Qu’est-ce que c’est ? Je n’ai aucun contact non plus avec le Grand Langres ». En revanche, Marie-Hélène « craint » Cindy et son compagnon spécialement, qui la « menace », d’ailleurs, à seulement y penser, elle « en tremble ». Tous deux lui en « voudraient », à elle et à sa sœur. « Celle-ci prévoit d’ouvrir une fromagerie au rez-de-chaussée du bâtiment, on est dans la phase travaux ». Quand pourraient-ils se terminer ? Marie-Hélène ne sait pas car ils peuvent « changer » de destination. « Ce pourrait être un bureau de tourisme », l’essentiel étant de servir l’attractivité de Langres.
Lundi 06 décembre 2021, Marie-Hélène a indiqué s’être rendue dans le logement que Cindy occupe. « Il est dans un état catastrophique », voilà ce qu’elle retient. Avant de préciser que les souris avaient sans doute pénétré dans l’appartement quand sa locataire était partie à Bourbonne-les-Bains. « A Langres, dans un logement inhabité, qui n’en a pas ? ». En tout état de cause, la propriétaire a effectué un virement de 25 € pour que Cindy paie la réparation de la chaudière. Elle a également demandé l’intervention d’un électricien « car 3 ou 4 prises doivent être refaites ». Initiative qui est fidèle à sa ligne de conduite : « j’ai les preuves d’avoir toujours commandé les réparateurs ».