Liberté rabougrie – L’édito de Patrice Chabanet
Le procès des attentats de janvier 2015 nous ramène à l’une des pages les plus sombres de notre Histoire depuis la guerre. Ce ne sont que des complices qui seront jugés, les trois auteurs principaux ayant été abattus. A l’origine de ces crimes, les caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo. Elles n’avaient pas plu à une frange extrême de l’Islam. Des menaces avaient été proférées à tous ceux qui voulaient les reproduire. Aujourd’hui, le journal satirique a décidé de les faire paraître à nouveau. Courage, provocation ou attitude suicidaire ? Le fait même que la question puisse être posée en dit long sur le rabougrissement de la liberté d’expression face à des hordes d’intolérants. Il ne leur revient pas de définir ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Les lois de la République l’emportent sur les oukases religieux. Elles autorisent le blasphème tant qu’il ne blesse pas les croyants.
Depuis 2015, la menace intégriste n’a cessé de se glisser dans les rouages de notre démocratie, toujours avec de fausses bonnes raisons. Elle ne prend pas toujours la forme d’attentats, fort heureusement. Elle s’infiltre. Des associations sportives se livrent à des activités qui n’ont rien à voir avec le sport. A l’Université, des débats sont régulièrement annulés parce qu’ils ne plaisent pas à ces nouveaux directeurs de conscience. Les autorités se gardent bien d’intervenir contre ces atteintes à la liberté d’expression, selon le bon vieux principe « pas de vague ». Des affaires n’ont pas l’écho qu’elles mériteraient. On pense à cette jeune musulmane tondue par sa famille parce qu’elle fréquentait un chrétien.
L’intérêt du procès qui s’ouvre aujourd’hui, c’est de montrer que la mansuétude et, parfois, la lâcheté ne ramènent pas la raison dans des esprits contaminés par l’intolérance et déterminés à tuer. Quelques mois après Charlie Hebdo, c’était la tragédie du Bataclan.