Liberté de la presse : deux affaires devant les juges
Diffamation envers un syndicat aux Forges de Courcelles et atteinte à l’honneur et à la probité du côté de Chanoy ont été au cœur de deux affaires jugées ces derniers jours par le tribunal correctionnel de Chaumont.
Inscrit au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv), Steven E n’aurait pas justifié de son adresse en temps et en heure. Sous mesure de protection juridique, le prévenu doit être soumis à un examen médical. Le Bragard n’a pas été soumis à cet examen. Le dossier est renvoyé au 17 octobre 2023. place à deux nouveaux renvois de dossiers de blessures involontaires dans le cadre du travail. Présidant l’audience, madame le président Boyer préside le Pôle social du Tribunal judiciaire. Il est question « d’impartialité ». Rendez-vous est donné aux parties le 7 novembre 2023.
Place au troisième dossier du jour. “ Fuck le syndicat des collabos ”. Poursuivi pour diffamation, Christophe C aurait ainsi attenté à l’honneur de la section CGT des Forges de Courcelles. “Collabos”, signe des temps, signe d’une forme d’oubli d’une période si proche, le terme est utilisé à toutes les sauces. Internement, à Buchenwald, de Léon Jouhaux, appel au « sabotage systématique de la production de guerre nazie et à la lutte armée contre l’envahisseur », renvoyer la CGT aux activités de « collabos » est pour le moins malvenu, mais pour Me Michel, avocat du prévenu, le problème est ailleurs. « Les propos ont été diffusés le 18 mars 2020, en la matière, le délai de prescription est de trois mois, plainte a été déposée le 19 juin 2020 ! » Un jour trop tard… La partie civile s’offusque. Le dépôt de plainte aurait été différé en raison du confinement. Me Michel porte à nouveau l’estocade. Chacun hausse le ton, « en toute confraternité ». L’examen du dossier est finalement renvoyé au 16 mai 2023.
Chaude ambiance à Chanoy
Relative à la liberté de la presse, souvent qualifiée de « cathédrale procédurale », « précise et contraignante », pour ne pas dire complexe, la loi de 1881 prête à multiples interprétations. Qu’est-il possible d’écrire ? Quels écrits sont-ils susceptibles de tomber sous le coup de loi ? Il est souvent question de susceptibilité.
Susceptible ou non, allez savoir, le maire de Chanoy s’est senti atteint dans son honneur et sa probité à la lecture d’un tract distribué aux habitants de cette paisible commune du Sud haut-marnais. Un tract signé et diffusé par l’ancien maire au lendemain des élections municipales. Négation de crimes contre l’humanité ? Provocation directe aux crimes et aux méfaits ? Injure ? Rédigé par Thierry M et Dominique J, la teneur du tract renvoie directement à des décisions, contestées, imputées au nouveau maire. Des écrits constitutifs de diffamation pour les uns, un tract utile au « débat public » pour les autres.
Il est question de fermeture de la salle de judo, d’une histoire du prix du stère de bois dans le cadre des affouages, du passage d’engins sur une aire de jeu dans le cadre de travaux, « sans déclaration préalable », au domicile d’un conseiller municipal… « Ce tract va bien au-delà du débat public, il contient des propos injurieux et mensongers, il atteint à l’honneur de monsieur le maire et de la commune, on accuse notamment monsieur le maire de favoritisme et de prise illégale d’intérêts, l’intention de nuire ne faut aucun doute, l’intégrité de monsieur le maire est mise en doute », tonna Me Tribouley.
« Faux », répliqua Me Le Normand. « Ce tract renvoie à des sujets anodins, des débats de chiffres. (…) Des faits factuels sont clairement rapportés dans ce tract. (…) La sensibilité de monsieur le maire ne peut constituer à elle seule l’infraction. (…) Ce tract a pour simple but d’alimenter le débat politique, dans le cadre de ce débat, suite à ce tract, le maire a diffusé une réponse de sept pages », poursuivit l’avocat de la défense, coupé à deux reprises par un maire de Chanoy manifestement agacé, avant de rappeler que la plainte avait dans un premier temps fait l’objet d’un réquisitoire de non-lieu.
Si des propos peuvent paraître « diffamatoires », une question se pose. « Sont-ils justifiés ? Je vous laisse apprécier », nota le procureur Cecoltan. Décision ? « Il n’existe pas dans ce texte d’atteinte à l’honneur et à la réputation dépassant le cadre du débat public ». Les deux prévenus furent relaxés.
T. Bo.