“L’Homme debout”, adapté d’un roman d’un Haut-Marnais, à l’écran à Chaumont et Saint-Dizier
Adapté du roman “Ils désertent” de l’écrivain haut-marnais Thierry Beinstingel, le film “L’Homme debout” est à l’affiche à Chaumont et Saint-Dizier. Plombant ? Jubilatoire ! Jacques Gamblin et Zita Hanrot, excellents au fil d’une adaptation signée Florence Vignon.
“Orange Mécanique”, “L’Eté meurtrier”, “Ne le dis à personne”, “Fahrenheit 451”, “Soleil Vert”, “La plage”… Littérature et cinéma font bon ménage. Des films inspirés ou adaptés de romans n’en sont moins décevants, navrants, lorsque des réalisateurs trahissent la substantifique mœlle de différentes œuvres. Les adaptations de “L’Ecume des jours” ou du “Grand Meaulnes” renvoient aux limites de l’exercice.
Florence Vignon n’a pas trahi le fond du roman “Ils désertent”, paru aux Editions Fayard. Mieux, la réalisatrice de “L’homme debout” apporte aux écrits du Haut-Marnais Thierry Beinstingel une dimension supplémentaire. Vous n’avez pas encore lu ce roman ? Cette adaptation vous donnera forcément envie de le découvrir.
Henri et Clémence
Alors, ce film… Jacques Gamblin incarne le personnage de Henri Giffard, un VRP à l’ancienne spécialisé dans la vente de papier peint. Un homme attachant, divorcé, « madame est partie en goguette », seul, tellement seul, un habitué des bonnes tables et auberges de province appelé contre son gré à vendre des canapés. Un « ancêtre » habité par son amour pour Arthur Rimbaud, « la vie errante, libre et gratuite », Rimbaud, ce poète, ce voyageur de commerce. Zita Hanrot incarne le personnage de Clémence Alpharo, une jeune cadre en CDD, chemisier, veste, chignon, moderne, seule, tellement seule, elle aussi, une salariée sous pression appelée à faire dégager cet encombrant « ancêtre ».
Henri Giffard a 30 ans d’expérience dans le papier peint, 30 années passées à « remplir » ses objectifs. Vendre des canapés ? Jamais ! Le canapé est « une arme de soumission massive », monsieur ne sera jamais un « homme assis ». Le forçat de la route a en lui l’envie des Anarchistes de Léo Ferré. Oui, Henri Giffard, aussi usé soit-il, est un homme debout, toujours debout. Monsieur les aime ses clients, ses papiers peints. « Les volutes de blanc dessinent comme de petits nuages. (…) Il faut sentir le produit dont on parle, le sentir physiquement ». Et puis, cette cliente a le béguin pour monsieur, veuf, cet autre fidèle a tout simplement besoin de parler, alors on passe commande.
Que ça, le boulot
Clémence Alpharo pourrait être sa fille, à ce VRP du XIXe siècle. Un rapport père-fille commence à s’instaurer parce que oui, comment le pousser à bout cet homme sensible, si attachant ? Issue d’une famille de la classe populaire, incarnation de la réussite pour sa famille, la jeune femme « n’a pas l’habitude de boire du vin en plein après-midi ». Mais mademoiselle finit par se faire entraîner dans ce « sous-bois », au cœur de « ce sentier dans la garrigue », au temps des cerises.
Oui, Henri Giffard a un penchant pour la boisson, un mal-être l’habite, monsieur a été si éloigné de ce fils épousant pourtant les pas de papa, cet enfant heureux de s’être vu attribuer une « Audi A6 tracée par GPS ». Son père préfère voyager au volant de sa fidèle et robuste Volvo. Henri Giffard n’a finalement que ça, ce boulot, alors monsieur entre en résistance. Clémence Alpharo ne satisfait pas aux exigences d’un cadre ambitieux décidé à le faire partir, « l’ancêtre ». « Crevez-le, qu’il n’en puisse plus ! »
Debout, jamais assis
Jacques Gamblin et Zita Hanrot le crèvent, l’écran, 1 h 26 durant. Dialogues et situations apportent une dimension comique, jubilatoire, à un film renvoyant aux réalités du monde du travail. Et puis, pour sublimer le tout, Florence Vignon offre des plans d’une beauté instinctive, à l’image, notamment, d’une scène où Clémence Alpharo broie du noir pendant que des cadres endimanchés s’adonnent aux joies du karting, une activité de cohésion, parce qu’il faut les souder les salariés, avant de les dessouder.
Henri Giffard en a vu d’autres. Spéléologue amateur, monsieur s’accroche tout en se réfugiant dans « son petit coin secret », sous terre, là où git Arthur Rimbaud, à Charleville-Mézières. Henri Giffard y finira au cimetière, comme tout le monde, debout, toujours debout, à l’horizontale, jamais assis.
T. Bo.
Vous retrouverez un entretien croisé entre Florence Vignon et Thierry Beinstingel dans votre Rendez-vous culture du dimanche 21 mai.
A l’affiche à Chaumont et Saint-Dizier
A L’Affiche (Chaumont) : Mercredi 17 mai, 14 h et 18 h 30 ; jeudi 18 mai, 18 h 30 ; vendredi 19 mai, 18 h 30 ; dimanche 21 mai, 14 h et 18 h 15 ; lundi 22 mai, 14 h et 18 h ; mercredi 23 mai, 14 h et 20 h 30.
Ciné Quai (Saint-Dizier) : Mercredi 17 mai, 16 h 30.