L’heure des vérités – L’édito de Patrice Chabanet
Qu’elle progresse ou qu’elle reflue la crise sanitaire génère toujours un bouillonnement d’annonces, d’avis ou de conseils contradictoires. Prononcez les mots « pass sanitaire »et vous serez plongés dans un abîme de perplexité. Faut-il le supprimer totalement, comme on l’observe au Danemark ou bien s’en tenir à une approche plus régionale, voire départementale ? On avait cru comprendre que la deuxième option était sur les rails. Finalement, le gouvernement se donne un nouveau délai de réflexion. A la vérité, sa marge de manœuvre est aussi mince que du papier à cigarette. Régionaliser passe pour une stratégie sans colonne vertébrale. Etablir une règle nationale est vite interprété comme la soumission à une indécrottable centralisation de notre appareil d’Etat. La proximité de l’élection présidentielle ne fait qu’exacerber cette contradiction. On pourrait faire la même remarque sur le port du masque à l’école. A moins de suivre le dossier comme un archiviste il est difficile de comprendre où l’on va.
On peut toujours se rassurer en se disant que la France n’a pas le privilège de ces allers-retours dans la prise de décision, surtout quand les spécialistes, les sachants, ne sont pas toujours d’accord. Rares sont ceux qui avouent ne pas savoir, une faiblesse dans une société hypermédiatisée où il devient vital de surenchérir pour exister. Il est d’ailleurs symptomatique que le débat ait ripé de l’utilité de la vaccination à celle du pass sanitaire, d’une solution technique et opérationnelle à des considérations philosophiques sur la liberté individuelle.
Quand la crise sanitaire sera derrière nous – l’espoir de tout un chacun – d’autres thématiques prendront vite le relais, la sécurité, la crise sociale, la transition écologique, les relations franco-américaines. Les avis seront tout aussi tranchés que face à la pandémie. Ils le sont déjà. Ainsi fonctionne le moteur à explosion qu’est la démocratie. Un moyen d’avancer, mais pas sans danger.