Les tensions en Ukraine vues par un agriculteur haut-marnais
International. Après près de 20 ans de présence en Ukraine, Jean-Paul Kihm, l’un des associés de la société AgroKMR, connaît parfaitement la région du Donbass. Il témoigne de la réalité du terrain et donne une autre vision de ce qui s’y passe.
Depuis 2003, quatre agriculteurs haut-marnais investissent en Ukraine afin d’y produire blé, colza, tournesol, orge et soja. A partir de leurs initiales, Alan Renard, Florent Renard, Jean-Paul Kihm, Jean-Loup Michel ont ainsi fondé la société AgroKMR. Ils ont commencé, à la base, avec 2 200 ha. Ils sont aujourd’hui à 20 000 ha et l’embauche de 80 salariés. La particularité de l’exploitation est de se situer à l’est de l’Ukraine, à 700 km de Kiev et précisément à Dniepropetrovsk, la 3e ville du pays. Elle est dans la région du Donbass qui touche la Russie, là où la guerre civile a éclaté en 2014 et où la population est considérée comme russophone.
Une situation paradoxale
Déjà à l’époque, Jean-Paul Kihm, l’un des associés de la société AgroKMR, racontait que leur activité n’a été aucunement perturbée par le conflit qui a pourtant fait 10 000 morts et plus de 2 millions d’exilés. Il y voyait un paradoxe en tant qu’observateur sur le terrain. Huit ans après, d’autres tensions sont apparues et font l’objet de toutes les attentions de la diplomatie internationale et des médias. Le territoire du Donbass est directement concerné par, d’un côté, la volonté de l’Otan de se déployer dans la région, et, de l’autre, les chars et les forces russes qui se déploient à la frontière. Là encore, Jean-Paul Kihm témoigne d’un paradoxe entre l’agitation diplomatique et la réalité du terrain qu’il peut observer. Le fonctionnement de l’exploitation en termes de production ou de commercialisation n’est en rien changé. Il évoque aussi les services bancaires qui sont efficients ainsi que le secteur tertiaire et, chose importante pour son activité, le commerce des pièces détachées.
Tout fonctionne
L’homme se dit en fait surpris par le déroulement des faits et la soudaine alerte sonnée par les Américains « alors qu’il n’y avait aucun signe précurseur ». Clairement, il considère que Joe Biden et Boris Johnson pour le Royaume-Uni agitent le drapeau rouge pour détourner l’attention de leur peuple face à leurs difficultés internes. Pour lui, Vladimir Poutine n’a jamais eu ou n’a pas l’intention d’envahir l’Ukraine. Il rappelle que Joe Biden était vice-président des Etats-Unis, sous Barack Obama en 2014, lors du précédent conflit. Il le définit comme un agitateur qui, par ricochet, veut tout faire pour que la Russie ne se rapproche pas davantage de la Chine. « Ce qui se passe à la frontière de l’Ukraine n’est qu’un prétexte sur des considérations bien plus importantes et de dimension internationale ».
Jean-Paul Kihm parle même d’une vision de l’esprit portée par les médias en racontant, par exemple, que la chasse est une importante activité en Ukraine. Or, elle n’a pas cessé dans les forêts qui jouxtent la Russie. Les chasseurs s’introduisent même régulièrement dans les forêts russes avant de revenir et « tout se passe bien ». En fait, il le dit, dans la partie Est de l’Ukraine, ces agitations diplomatiques « ne sont pas le sujet du jour ».
L’agriculteur haut-marnais qui ne cache pas son incompréhension en profite pour signaler que l’Ukraine évolue favorablement en matière d’infrastructures. Par exemple, de grands plans d’investissements sont mis en place autour des routes alors qu’il s’agissait d’une des faiblesses du pays. Sur le terrain, ces mutations sont loin du potentiel conflit qui se jouerait à la frontière russe.
Frédéric Thévenin
Un point « cultures »
Les productions de la société AgroKMR partent essentiellement à l’export comme les céréales et le colza. Seul le tournesol reste en Ukraine pour en faire de l’huile.
D’après Jean-Paul Kihm, les dernières récoltes ont été « moyennes en volume » mais les résultats ont été exceptionnels d’un point de vue financier grâce aux prix mondiaux des céréales et oléagineux. Les terres sont toujours aussi propices à la production céréalière avec, en près de 20 ans de temps, une évolution de la météo. Les hivers ukrainiens sont de moins en moins froids et, là-bas, la neige vient tout juste de fondre.
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