Les temps changent – L’édito de Christophe Bonnefoy
Il y a vingt ou trente ans, évoquer des quotas en matière d’immigration aurait fait lever à peu près tous les boucliers du pays… sauf ceux du Front national, évidemment.
Les temps ont changé. Difficile d’affirmer que la parole s’est totalement libérée. Mais des verrous ont indéniablement sauté, même si le sujet reste on ne peut plus clivant.
Jadis donc, en des périodes toutefois pas si lointaines, on aurait laissé à l’extrême droite l’exclusivité des mots qui fâchent, pour mieux s’offusquer qu’elle les ait utilisés. Aujourd’hui, on n’y va pas tout à fait franco, mais on tourne autour du pot.
Ainsi en va-t-il des quotas d’immigrés… économiques. En adjoignant l’adjectif aux fameux termes qui auraient fâché tout rouge une bonne partie de la classe politique, le gouvernement avance en terrain un petit peu moins dangereux. L’idée, qu’il devrait préciser aujourd’hui : fixer chaque année ces fameux quotas, en fonction des besoins de tel ou tel secteur. C’est ce qui est appelé les “métiers en tension”, qui ne trouvent pas les compétences recherchées chez les salariés de l’Hexagone.
Au-delà de l’éventuelle utilité de cette mesure pour les entreprises, c’est bien sûr l’opportunisme politique qui n’a pas tardé à être dénoncé hier. Et la « droitisation » d’Emmanuel Macron. Plus précisément, ses adversaires ont de suite regardé en direction du Rassemblement national et d’une présidentielle qui pourrait voir le chef de l’Etat et Marine Le Pen s’affronter à nouveau au deuxième tour en 2022. Autrement dit, Emmanuel Macron est soupçonné, quand ce n’est pas accusé, d’aller chasser sur les terres de la droite, et un peu plus loin celles de l’extrême droite.