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Les mots d’une « survivante »

Me Gromek porte la parole d’une femme marquée à vie.

« Il m’a arrosée d’essence. » « Il a voulu me tuer ! » Une femme, une « survivante », aura trouvé la force et le courage de mettre des mots sur ses maux au cours d’une deuxième journée de procès marquée par l’intervention d’un expert en incendie.

« Je n’ai pas grand-chose à dire. (…) Je reste sur mes positions. » Tétanisée, tremblante, bras nus, marquée à vie, une femme eut finalement le courage de s’exprimer. Différents éléments en attestent, la vie de l’ancienne compagne de Jérôme M. n’a pas été facile. L’égalité des chances tient du fantasme. Madame espérait goûter à une vie plus apaisée. « Au début, avec Jérôme, ça allait. Ensuite, il y a eu des tensions. » De problèmes liés à une consommation d’alcool excessive dénoncée par monsieur ? « Je n’ai pas de problèmes d’alcool. » Les enfants et le frère de madame ont un avis contraire. Une réalité s’impose : aussi dangereuse puisse être la consommation d’alcool, boire de l’alcool, en veillant, à ne pas conduire, n’est pas interdite. Les conséquences d’une éventuelle addiction ne peuvent qu’expliquer d’éventuels problèmes de couples. Des difficultés aux différentes origines. « Il était persuadé que je le trompais. Jalouse, je l’étais un peu aussi. (…) Dans l’intimité, ça n’allait plus, sa situation professionnelle le pesait, il s’est senti rabaissé, il s’est refermé. (…) Il avait tout le temps l’impression de ne pas exister. » Madame a menacé de partir. Son compagnon aurait alors menacé de mettre le feu à la maison. Sans exprimer la moindre idée suicidaire. Les relations sociales, Jérôme M., ce n’était pas son truc, son semblant d’équilibre, l’accusé le trouvait à Jorquenay, dans cette maison en partie ravagée par les flammes le 24 novembre 2019.

« Il me visait »

La veille, le climat semblait apaisé. « Nous avons été au restaurant, nous avons bu un apéritif et une bouteille de vin. (…) Nous sortions peu, il n’aimait pas ça, mais il a accepté d’aller boire un verre ensuite, sans dispute. » Place au retour à Jorquenay. « Je me suis garée dans la cour, je suis rentrée et suis allée m’asseoir dans la cuisine. (…) Il est arrivé, il avait un bidon, il m’a arrosée d’essence. (…) Il était à un ou deux mètres de moi. (…) Il me visait. (…) J’étais assise, je lui ai dit d’arrêter, il ne parlait pas, il avait le regard vide. (…) J’ai glissé en me levant de ma chaise, je me suis relevée et il s’est versé de l’essence sur lui, il a pris un briquet et il a tendu son bras. » L’effet fut immédiat. « Il est sorti en premier, je l’ai suivi. » Jérôme M. serait venu en aide à sa compagne en la plaquant au sol afin d’étouffer les flammes. « Non, ça n’a jamais existé ! Enfin, je ne sais pas. » Madame n’en démord pas. « Il a voulu me tuer ! (…) Il parle de tentative de suicide, mais il aurait pu se suicider quand je n’étais pas là ! » Et puis… « Il ne s’excuse pas, il ne reconnaît pas ma douleur. »

Une « survivante »

Les conséquences du drame sont perceptibles, visibles. La mère de famille a été brûlée sur 80 % de sa surface corporelle. « Je ne travaille plus, j’ai trop de douleurs, trop de fatigue, tenir debout, être assise, c’est compliqué. » Me Gromek questionna sa cliente sur son hospitalisation. « J’étais dans une chambre où je pouvais être opérée, les greffons étaient prélevés sur mon crâne, il y avait une anesthésie générale à chaque fois. (…) J’ai été nourrie par sonde, je ne pouvais pas parler, j’avais une poche. (…) Je suis sortie de l’hôpital en avril 2020, on m’a donné un dossier HLM, je n’avais plus de vêtements, on a fini par me donner un pantalon et un pull et je suis venue m’installer chez ma fille. » L’ancienne compagne de Jérôme M. est une « survivante », comme le lança Me Gromek. « Oui, on avait demandé à mes enfants de venir me dire au revoir. »

Assurant, en réponse à une question de l’avocat général Cecoltan, ne pas accuser son compagnon « par colère », après les faits, madame l’aimait encore, cette mère de famille aura trouvé la force nécessaire pour décrire son calvaire. La défense mit en évidence certaines contradictions. La partie civile le concède, « certaines choses, je ne me souviens plus ». Meurtrie dans sa chair, cette femme n’attend qu’une chose. « Je veux que ça se termine, essayer d’oublier. »

T. Bo.

« Une étincelle suffit »

« Sapeur-pompier depuis 40 ans, un mois et six jours », le colonel Jeandemange a mené une expertise suite à l’incendie survenu le 24 novembre 2019. Photographies et plans des lieux à l’appui, cet expert a pu livrer de précieuses explications. Premier élément. « Un bouchon de jerrican a été retrouvé. » Des détritus de plastique relevés au sol laissent également supposer que le jerrican a fondu à proximité de la fenêtre de la cuisine, à proximité directe de la chaise sur laquelle l’ancienne compagne de Jérôme M. dit avoir été assise avant d’être « aspergée » d’essence. Une trace de combustion à l’endroit où la victime de cet incendie dit avoir été assise a été identifiée.

Le colonel Jeandemange a relevé trois foyers et défini un axe et un sens de projection du carburant. Des constatations correspondant aux éléments glanés au cours d’une reconstitution. L’accusé a mimé à cette occasion les gestes réalisés à l’aide d’un bidon comprenant « deux orifices ».

Un point prête à débat. Jérôme M. réfute avoir aspergé d’essence sa compagne. L’expert fait quant à lui bel et bien état d’une « aspersion, le liquide a coulé de haut en bas ». Le carburant a ainsi ruisselé à l’intérieur des bottines d’une femme portant des collants en matière synthétique.

« Effet surprise »

Jérôme M. répète s’être aspergé d’essence avant la mise à feu. Plausible ? « C’est compliqué à dire, des brûlures dans le dos peuvent s’expliquer par des gouttes d’essence. » De dernières gouttes… L’expert aura indiqué qu’un à deux litres d’essence ont été déversés par l’accusé avant la mise à feu opérée à l’aide d’un briquet. Nul besoin d’approcher la flamme du carburant. Les vapeurs d’essence se sont propagées. « Avec un mélange constitué d’air et de carburant, une étincelle suffit. » L’expert évoquera un « effet surprise ».

Me Tribolet revint sur les éléments tendant à attester d’une aspersion de carburant sur la partie civile. L’accusé affirme que sa compagne a glissé sur une flaque en arrivant dans la cuisine. « Si madame est tombée, le ruissellement a pu intervenir quand elle s’est relevée, d’autant plus avec des collants », nota l’avocat de la défense avant de rappeler que dans sa première déposition, la partie civile a déclaré avoir été « debout devant la fenêtre, pas assise ».

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