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Les magistrats en colère

Justice. Point de pneus brûlés, pas lisier déversé sur la chaussée, nul blocage, juste quelques mots lancés, mardi 6 février 2024, au nom des magistrats du siège par madame le juge Boyer afin d’exprimer une colère ancienne, profonde. « Dans le cadre d’une décision collective, l’audience de ce jour est renvoyée en raison des effectifs restreints de magistrats ». Présente en salle d’audience, Me Alfonso témoigna du soutien des avocats. « Nous avons conscience des contraintes qui sont les vôtres et soutenons le tribunal ». Sept dossiers figuraient au rôle, dont un, marqué par la présence de neuf parties civiles, relatif aux poursuites pour agression sexuelle engagées contre Stéphane Jacques, ancien directeur du Centre départemental d’incendie et de secours (Sdis) de la Haute-Marne. L’examen de l’ensemble de ces dossiers a été renvoyé au 10 septembre 2024.

« Conditions de travail dégradées »

Le grogne des magistrats renvoie à la situation dénoncée dans ces colonnes, dans notre édition du 18 janvier 2024, par le bâtonnier Wilhelem, une colère exprimée dans un contexte historique, la traditionnelle audience solennelle de rentrée ne pouvant se tenir en l’absence de président du Tribunal judiciaire suite au départ de Philippe Mathieu. « Les effectifs de magistrats et de greffiers sont en souffrance, cette situation entraîne un surcroît de travail et des conditions de travail dégradées, des greffiers en poste ici depuis de nombreuses années, des personnes très rodées, très impliquées, le sens service public chevillé au corps, ne sont pas loin de craquer. (…) Face à d’évidents problèmes d’effectifs, la cour d’appel a affecté des juges placés. Dans le ressort de la cour d’appel, cinq juges placés peuvent être affectés pour effectuer des remplacements, quatre de ces juges siègent à Chaumont depuis septembre 2023, on a concrètement utilisé ces juges placés, non pas pour assurer des remplacements, mais pour occuper des postes vacants », avait notamment dénoncé Damien Wilhelem.

« Nous ne voyons rien venir »

La colère de magistrats et greffiers a été accentuée par l’annonce, assurée par Michèle Brugère, présidente par intérim du Tribunal judiciaire et Denis Devallois, procureur de la République, d’un chantier de 3,9 millions d’euros visant à transformer le Palais de Justice et Cité judiciaire. « Des travaux, oui, une partie des locaux est en mauvais état, mais une Cité judiciaire sans assez de magistrats et de greffiers, c’est comme un hôpital sans un nombre suffisant de médecins et d’infirmières », tonne un acteur du système judiciaire. « La situation est connue depuis de nombreuses années, le président Laplane s’est inquiété du manque de magistrats et du manque d’attractivité de la juridiction pendant de nombreuses années, le président Mathieu a également exprimé constats et inquiétudes à l’occasion d’audiences solennelles, Michèle Brugère et Denis Devallois ont annoncé un renforcement des moyens humains, mais à l’heure actuelle, nous ne voyons rien venir », commente une autre source. Une dernière pointe la situation « dramatique » vécue par les greffiers. « Certaines personnes sont à bout, à la limite du burn-out, que faudra-t-il pour que la situation évolue, un suicide ? »

T. Bo.

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