Les lâches – L’édito de Patrice Chabanet
74 femmes ont perdu la vie, depuis le début de l’année, sous les coups de leur compagnon ou de leur ex. 2 000 personnes se sont réunies à Paris pour demander la fin de ce « massacre ». Une femme tuée tous les trois jours : un chiffre auquel on finit par s’habituer, comme un fait divers parmi d’autres. Or, en l’occurrence, on ne peut pas parler d’accident, ni de fatalité. Le féminicide est un acte volontaire. Leurs auteurs sont des lâches qui n’entendent pas que leur supériorité autoproclamée soit contestée par une femme : la tuer, à leurs yeux, revient à effacer un problème. Le féminicide n’est que la forme exacerbée d’un dévoiement plus général et plus fréquent : la violence faite aux femmes. Dans ce domaine, les chiffres ne sont pas vraiment disponibles. Il n’est pas facile pour une épouse de déposer plainte contre un mari qui a la main leste, surtout lorsqu’il y a dépendance financière. S’en prendre juridiquement au père de ses enfants n’est pas évident non plus. La perversité d’un époux violent est d’être tout à fait conscient que le huis clos familial lui assurera l’impunité. S’ajoute un phénomène dans l’air du temps : la montée de la violence dans la société. Pour certains esprits mâles en mal d’arguments, cogner sa femme, ce n’est ni plus ni moins que la version domestique d’une rixe entre automobilistes : on ne s’explique pas, on tape.
A juste titre, les associations de défense des victimes demandent un resserrement des dispositifs juridiques : la prise en compte plus rapide des plaintes ou des signalements, la pose de bracelets électroniques et une protection accrue des victimes avec, par exemple, l’octroi d’un logement d’urgence. Cela dit, reconnaissons-le, il n’y aura pas de solution idéale : entre une menace de mort et le passage à l’acte, il n’y a pas, fort heureusement, automaticité. Comment alors apprécier la juste gravité de la situation ? Au-delà, reste un problème d’éducation à résoudre, et cela dès l’école. Il faut apprendre aux garçons à respecter les filles et aux filles à ne pas accepter les coups. Un vœu pieux ? Non, une nécessité pour éviter les drames.