Roland-Garros : les jeunes se rebiffent
Le tableau féminin vivrait-il une passation de pouvoir ? Avec l’élimination de Li Na lundi, par Mladenovic (21 ans) et de Serena Williams, hier, par Muguruza (20 ans), Roland-Garros a perdu ses deux têtes de série principales. Alizé Cornet a été la troisième victime de la nouvelle génération, éliminée par Taylor Townsend.
« J’ai l’impression qu’on est en train de vivre un gros changement au classement au niveau des 100 premières joueuses ». La journée d’hier a effectivement conforté les propos de Garbine Muguruza. A 20 ans, l’Espagnole a été la première de la jeune génération à faire sensation sur le court central. Face à Serena Williams, que tous donnait favorite et à qui l’on prédisait un troisième tour contre sa sœur Venus, Muguruza a rappelé la qualité d’un 35e rang mondial passé inaperçu. En à peine plus d’une heure, elle a envoyé l’Américaine au tapis au terme d’un match tactiquement parfait, face à une adversaire dominée dans les grandes largeurs (6/2, 6/2) et qui n’eut d’ailleurs rien à dire pour sa défense.
« Rien n’a fonctionné, c’était un jour sans et j’ai horreur que ça se produise sur un Grand Chelem. Je sais ce qu’il me reste à faire : travailler cinq fois plus pour que cela ne se reproduise plus ». L’année dernière, la cadette des Williams n’avait laissé aucune chance à Muguruza à l’Open d’Australie (6/2, 6/0). L’Espagnole a, depuis, signé quelques résultats significatifs – une victoire à Hobart et une finale à Florianopolis – qui l’ont propulsée de la 64e à la 35e place WTA. Ses succès aux dépens de deux Top 10, Wozniacki à deux reprises en 2013 (Australie et Miami) et Zvonareva, l’année précédente, auraient pu mettre la puce à l’oreille à Serena Williams. Elle n’a pourtant rien vu venir.
La sensation Townsend
Comme pour Li Na, lundi, face à Mladenovic (21 ans), la hié- rarchie a donc sérieusement été ébranlée. Pour la première fois dans un Grand Chelem, d’ail- leurs, les deux têtes de série principales d’un tableau féminin ont disparu avant le troisième tour.
Ce fou début de quinzaine s’est même prolongé dans la soirée avec Alizé Cornet. La Française, considérée comme l’un des meilleurs espoirs tricolores, a subi la même soif d’affirmation de la part de Taylor Townsend. La Niçoise a été malmenée, agressée et finalement terrassée par la jeune Américaine de 18 ans, seulement 205e mondiale et bénéficiaire d’une wild-card.
L’ancienne N°1 mondial junior au gabarit atypique sur le circuit (1,70 m pour 77 kg) a imposé un jeu tout en puissance rappelant celui de Serena Williams, à qui elle est souvent comparée. Et même si sa jeunesse l’a inhibée au moment de conclure, gâchant quatre balles de match à 5-1 dans la troisième manche puis se faisant rejoindre 5-4, Taylor Townsend, petit calepin en main pour y relire ses schémas de jeu à chaque changement de côté, n’a pas tremblé sur son ultime jeu de service (6/4, 4/6, 6/4).
« C’est un fait, le niveau de jeu est de plus en plus homogène. Il est aussi de plus en plus fort », a fait remarquer Alizé Cornet. Il peut désormais y avoir des surprises à tout instant. Dans le Top 100 par exemple, les filles jouent toutes très bien.» Ecarts rétrécis, motivation décuplée avec l’événement, la hiérarchie ne semble plus aussi établie qu’elle pouvait l’être. Ana Ivanovic et Maria Sharapova, désormais les grandes favorites pour la victoire finale, savent désormais qu’elles devront redoubler d’attention.
Simon avance tranquillement
Le constat ne touche pas que le tableau féminin. Les hommes ont, aussi, perdu Stanislas Wawrinka lundi, victime de l’Espagnol Guillermo Garcia- Lopez, 41e mondial, même si la pression qui entourait le joueur, endossant un nouveau statut après sa victoire à l’Open d’Australie, est davantage la cause de sa perte. « Les grands résultats amènent de grandes responsabilités, a réagi Novak Djokovic, sorti sans encombre de son duel avec le Français Jérémy Chardy (6/1, 6/4, 6/1). Tant qu’on ne gagne pas de Grand Chelem, on se fiche de ce qui se passe autour du court. Ensuite, les choses changent et il faut les gérer. Mais je considère que la pression qu’on a, c’est un privilège parce qu’elle veut dire qu’on joue au plus haut niveau. »
C’est justement de ces attentes dont sont débarrassés, cette année, Roger Federer, qui se présente à Roland-Garros après une préparation perturbée par la naissance de ses jumeaux, ou encore les Français Jo-Wilfried Tsonga, « qui ne se fixe pas d’objectif » et Gilles Simon, qui avance sans bruit dans le tableau.
Ces trois-là se sont imposés avec autorité hier. Le Suisse a disposé de l’Argentin Schwartzman (6/3, 6/4, 6/4). Tsonga, s’appuyant sur un gros service, a pris le dessus sur l’Autrichien Jürgen Melzer (6/2, 6/3, 6/4), avant de retrouver Jerzy Janowicz dans un duel qui sent la poudre. « Je ne suis pas revanchard mais j’ai beau- coup d’orgueil », a ainsi prévenu le Français, en référence au fait que le Polonais avait déchiré sa chemise après sa victoire pour exprimer sa joie.
Gilles Simon, lui, s’est défait du Colombien Alejandro Gonzalez (6/4, 6/0, 6/2) et affrontera un gros client, le Croate Milos Raonic (N°8) au prochain tour. En revanche, l’aventure s’arrête là pour Benoît Paire et Laurent Lokoli. Elle se poursuivra, au moins jusqu’à aujourd’hui, pour Pauline Parmentier, dont le match contre Shvedova a été interrompu par la pluie. La Nordiste mène 2-1 dans la troisième manche, service à suivre et pourrait atteindre le troisième tour de Roland-Garros pour la première fois de sa carrière. Elle resterait alors la seule représentante tricolore aux côtés de Kristina Mladenovic. Une autre Nordiste.
De notre envoyée spéciale à Roland-Garros : Delphine Catalifaud