Les infirmières renoncent car « les patients sont réellement devenus des numéros »
L’hémorragie constatée chez les infirmiers qui quittent les établissements de santé touche également des villes comme Chaumont. Anaïs Clausse et Aude Matz dénoncent la déshumanisation des services et des soins apportés aux patients. Elles ont préféré s’installer en libéral.
Les hôpitaux se vident de leurs infirmières et infirmiers. Mi-octobre, selon un sondage au niveau national, près de 40 % d’entre eux ont envie de changer de métier.
A Chaumont, Anaïs Clausse et Aude Matz ont franchi le cap. Plus précisément, elles ont quitté le milieu hospitalier pour s’installer en libéral pour, justement, aujourd’hui, avoir le sentiment d’être… libérée.
Anaïs Clausse est native de Chaumont et très attachée à son territoire. Son attrait pour le secteur médical est un héritage de famille ; un véritable atavisme.
Après l’école d’infirmiers de Chaumont, en 2013, elle travaille à l’hôpital de Chaumont pendant quatre ans. Et déjà, elle se rend compte que l’exercice du métier lui plaît énormément et, en particulier, au sein du service de rhumatologie du Dr Bertrand Depernet.
Un engagement humain
Comme elle dit, « si j’avais pu choisir, je ne serais pas partie ». Elle explique avoir démissionné pour d’autres facteurs que le métier et principalement pour des relations très compliquées avec la direction. Elle explicite son propos : « l’engagement par rapport à l’humain ou à la dureté du métier n’est pas un problème. Les soucis viennent d’ailleurs ».
Anaïs Clausse est ensuite partie travailler au CHU de Dijon, en néphrologie, pendant deux ans. Sa condition d’infirmière y était bonne mais ses racines haut-marnaises lui manquaient. Elle revient, prend son courage à deux mains et concrétise son projet professionnel. Ehpad ? Hôpital ? Elle décide de s’installer en libéral en saisissant l’opportunité qu’est l’ouverture de la maison de soins Cap Santé 52.
Pour elle, « le métier reste le même, avec les mêmes actes ». Elle évoque une approche plus sereine des patients, des médecins, des familles et des collègues.
Un paradoxe
Aude Matz souscrit pleinement à ses propos. Celle qui est devenue sa collègue au sein de Cap Santé parle de l’absence de pression, de barrières ou de jugements. « Les échanges avec les patients et les médecins sont davantage basés sur l’écoute ». A contrario, les deux infirmières se souviennent de dialogues moins sereins au sein de l’hôpital, l’absence de temps pour apporter les soins ou de moyens pour s’organiser. Mais, elles déplorent surtout « la perte de l’humain. Nous passons davantage de temps avec les patients en libéral que 24 h sur 24 dans un hôpital. Un paradoxe ».
Elles imputent le malaise dans le milieu hospitalier par l’aspect administratif qui a pris le dessus sur l’humain. Aude Matz l’affirme : « les patients sont réellement devenus des numéros ». Elle illustre ses propos par son histoire : « heureusement que je suis partie du secteur hospitalier. Je me serais dégoûtée du métier. Il fallait que je me préserve ».
Les deux infirmières ont la sensation de revivre en n’étant plus à la merci de services, de groupes et d’individualité qui peuvent détruire.
Frédéric Thévenin