Les États désunis – L’édito de Patrice Chabanet
Des crises, l’Europe en a connu. Elle les a toujours surmontées, au forceps s’il le fallait. Mais cette fois-ci, elle semble jouer sa survie. La question migratoire met au jour des fractures dont on voit mal comment elles pourraient se réduire. Le mini-sommet de Bruxelles a accouché de mini-propositions. La France et l’Allemagne ont appelé à des accords entre plusieurs Etats membres, prenant acte qu’un consensus européen était impossible. C’est de très mauvais augure pour le sommet à 28, les 28 et 29 juin.
Qui est responsable d’un fiasco qui s’aggrave à chaque nouvelle arrivée d’un bateau de migrants ? L’Europe elle-même, serait-on tenté de dire. Elle n’a pas pris la mesure du problème qui ne date pas de 2018. Elle a donc laissé les Etats se débrouiller tout seuls. On pense notamment à l’Italie et à la Grèce. En clair, malheur à ceux qui étaient en première ligne. Ce qui devait arriver est arrivé : les gouvernements populistes exigent maintenant un changement des règles du jeu. Paradoxalement, ce n’est pas le trop d’Europe qui est la source de la crise actuelle, mais son absence de vision et d’ambition face à un défi devant nous pour longtemps. Le mal est fait : l’incapacité de l’Union européenne la rend difficilement audible face à la vague populiste. Or la question migratoire est beaucoup plus complexe que ses aspects spectaculaires. Cette complexité ne résiste pas au discours simpliste qui met dans le même sac immigration, délinquance, islamisme et terrorisme. On en revient une nouvelle fois à la défiance des peuples à l’égard des élites européennes. Pourtant, des solutions existent. A court terme, il s’agirait, entre autres, de mieux répartir – dans les faits – les flux migratoires entre les différents Etats membres. Les anciens pays de l’Est n’ont pas joué le jeu, et snobent l’Europe. Rappelons leur que cette Europe qu’ils méprisent aujourd’hui les a puissamment aidés pour les sortir du sous-développement économique après la chute du Mur. Ingratitude, quand tu nous tiens…