« Les algues vertes », une enquête qui responsabilise en douceur le monde agricole

Adaptation cinématographique de la bande-dessinée du même nom, « Les algues vertes » fait le récit de l’enquête journalistique menée par Inès Léraud en Bretagne entre 2015 et 2019. Sorti en salle le 12 juillet, le film appelle à réfléchir sur un modèle agricole et sur ceux qui le financent.

Alors qu’elle sort du studio radio, une journaliste est approchée par un inconnu, qui lui tend un dossier. C’est celui de Thierry Morfoisse, mort d’une crise cardiaque alors qu’il transportait des algues vertes hors des plages de Bretagne. Les autorités ont tout fait pour dissimuler les preuves. Celles de sa mort, comme celles des drames suivants. Dès lors Inès Léraud (interprétée par Céline Sallette), s’installe dans les Côtes d’Armor pour mener l’enquête et ira jusqu’à poursuivre les « vrais » coupables dans les couloirs du Parlement européen.

Car l’enquête –adaptée en BD puis aujourd’hui en film- ne prend jamais les agriculteurs pour cibles. « Il faudrait aller leur parler, ils ont aussi leur vérité » souffle Rollande qui les accueille tous les jours dans son café. Leur vérité : la peur qu’on s’en prenne au modèle agricole breton, modèle qui les fait vivre autant qu’il les étouffe, les expose à l’endettement… ou à l’hydrogène sulfuré émanant de ces algues. Une peur qui frôle parfois l’hostilité : « Vous amusez pas à foutre par terre notre belle région ».

« Les algues vertes », un film tout en douceur

D’une rigueur presque documentaire, le film de Pierre Jolivet (Ma petite entreprise, avec Vincent Lindon) reprend au mot près les témoignages audios recueillis par la journaliste depuis 2015. La fiction, elle, vient lier le tout d’une extrême douceur. Sans jamais tomber dans le manichéisme ni le sensationnalisme larmoyant, le réalisateur préfère faire monter le souffle chaud de la résilience. « Tu es mariée ? Toute seule tu ne tiendras pas le coup », dit-on à l’héroïne.

Céline Sallette (Brillantes ; La French) fascine par sa justesse. On la voit tomber dans l’obsession du travail, et l’angoisse du silence. Seuls l’amour de sa compagne et les liens qu’elle crée sur place l’empêchent de se laisser ronger. La nature aussi : le bruit des vagues, le chant des oiseaux ; autant de plans qui subliment la campagne bretonne comme pour la faire revivre, loin de l’asphyxie des algues vertes.

Solène Clausse