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Les « agros qui bifurquent » vus par des haut-marnais

Agriculture. Lors de leur remise de diplômes, huit ingénieurs agronomes ont dénoncé l’impact de leurs filières sur le vivant. Ils appellent à « bifurquer » vers d’autres modèles. Avenir, utopie ou déraison ? Le président de la FDSEA 52, un agriculteur et un apiculteur réagissent.

Il y a près d’une semaine, un groupe de diplômés d’AgroParisTech dénonçait les principaux débouchés de leur formation. Considérant participer « aux ravages écologiques et sociaux en cours », ces huit ingénieurs agronomes ont changé de voix. Ils se sont ainsi tournés vers des collectifs agricoles, des zones à défendre (ZAD), le métier d’apiculteur ou encore vers le monde associatif.

Qu’en pensent des professionnels du terrain haut-marnais ? L’apiculteur et paysan Sébastien Huvig confie : « ça m’a donné des frissons, de l’espoir et ça m’a fait réfléchir ».

L’agriculteur bio Etienne Funcken partage en partie ce point de vue. « Je suis d’accord sur le principe. L’industrie agro-alimentaire se fout des agriculteurs, et surement aussi des consommateurs. Ce que je trouve dommage c’est qu’ils ne donnent pas de solutions. Ils vont s’en aller vers d’autres modes de vie, mais ce ne sont pas eux qui vont nourrir les villes. »

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Certains « des agros qui bifurquent » se tournent vers une agriculture vivrière.

Pour le président FDSEA 52, Sébastien Riottot, « ce sont des discours un peu à la mode en ce moment. Nous sommes dans une société qui ne veut pas de nucléaire, pas d’éolien et pas de pollution, mais qui veut consommer ».

Des points de divergence…

« Le problème, c’est qu’aujourd’hui on voit à court terme. Mais la question est « qu’est-ce qu’on va laisser à nos enfants ? » », pointe Sébastien Huvig. Il met la lumière sur la baisse de matière organique présente dans les sols. « En 20 ans, la matière organique est passée de 8 % à 2 % », déplore-t-il.

La matière organique, particulièrement celle contenant de l’azote comme le fumier, est primordiale pour les rendements. Chaque année, 2,2 millions de tonnes d’azote, dont la majorité est de synthèse, sont déversées dans les champs. La moitié de ces engrais se répandent dans l’environnement. Dans les rivières, ce trop-plein se traduit notamment par la prolifération des algues et la destruction d’écosystèmes.

A l’opposé de l’apiculteur, le président de la FDSEA est plutôt confiant dans la qualité des terres. « Les sols ne sont pas en mauvaise santé puisqu’on arrive à sortir de la production. Le plus gros problème, c’est la météo ». Cette question météorologique touche autant le bio que le conventionnel, en témoigne la sécheresse actuelle.

… et de convergence

Si les trois acteurs du territoire ne partagent pas une vision commune sur le message partagé par les jeunes diplômés, leurs violons s’accordent sur les industriels. « Que certaines multinationales abusent, je ne peux pas le nier », reconnait Sébastien Riottot.

Aussi, les trois témoignages se regroupent sur une agriculture raisonnée utilisant ponctuellement des engrais et des pesticides de synthèse. « Un irraisonné ne va pas faire long feu », pointe le président de la FDSEA.

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« Je ne crois pas dans une révolution, mais dans une évolution », déclare Sébastien Riottot.

« Nous avons une caisse à outil qui est les pesticides, mais il faut les utiliser que lorsque nous en avons vraiment besoin. Il va falloir un peu de phyto pour accompagner certains dans la transition et sortir de la dépendance avec les multinationales », explique l’apiculteur. Qui souligne : « Il ne faut pas tout arrêter du jour au lendemain. Il faut faire connaitre des solutions ». Les réglementations vont d’ailleurs dans ce sens, le plan ecophyto en témoigne.

Julia Guinamard

j.guinamard@jhm.fr

Appel à la rencontre ce samedi

Une semaine après la publication de la vidéo « Des agros qui bifurquent » et après quelque 3 millions de vues sur les différentes versions en ligne, les jeunes diplômés ont lancé un appel ce 18 mai. Ils proposent à ceux « coincés par des boulots et des pratiques nuisibles et à toutes celles et ceux qui ont déjà déserté à se rencontrer samedi à midi devant les mairies pour s’aider localement à déserter ». Et ce dans l’objectif de « construire notre autonomie matérielle localement, sans les multinationales, sans les Gafams, et sans la bureaucratie. Pour créer des espaces communs qui permettent la bifurcation : des fermes, des ateliers, des cafés. Pour nous réapproprier des savoirs et des savoirs-faire, de la médecine au travail du bois, du potager à la poésie ».

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