Les agricultures dans l’air du temps en Haute-Marne
Portes ouvertes. La Maison de l’agriculture de Haute-Marne a ouvert ses portes pour parler agriculture, de toutes les agricultures. Des tables rondes et des ruches ont permis de se familiariser avec les tendances actuelles comme la vente directe ou la construction d’une filière viandes haut-marnaises.
Ce 20 octobre, la porte-ouverte de la Chambre d’agriculture a illustré les transitions actuelles de l’agriculture. Marc Poulot, son président, parle de « projet de territoire adapté à l’évolution de l’agriculture » en termes d’entreprenariat et d’installation. Il a été question de nouveaux profils d’agriculteurs « qui ne s’accordent pas toujours avec les pouvoirs publics ».
Marc Poulot ne s’en cache pas : « ces mutations bousculent les habitudes et nous demandent de nous remettre en question pour que les exploitations soient résilientes ». Autour de thèmes comme l’eau, l’alimentation de proximité, la biodiversité, l’énergie, la Chambre d’agriculture tient à un développement équilibré des fermes. « L’agriculture est en mouvement. Nous sommes à son service ».
Xavier Logerot, directeur de la Direction Départementale des Territoires (DDT), signale l’importance de « gérer les crises et de se projeter », alors que les crises diplomatique, humaine et climatique s’enchaînent. L’Ukraine et la sécheresse sont dans tous les esprits. Pêle-mêle, il a annoncé l’organisation des assises de l’eau au premier trimestre 2023, l’attribution d’aides pour la hausse des charges à 445 exploitations, l’accompagnement pour 1,5 million d’euros des filières locales, l’installation et le renouvellement des générations et l’engagement de la DDT de décliner les politiques publiques.
Frédéric Thévenin
Vente directe : la complémentarité des modèles
Durant une table ronde, des producteurs ont témoigné de leur expérience de vente directe. D’après Gratienne Edme-Conil, « pour tous, les contraintes logistiques sont déterminantes pour choisir son mode de vente. Pour tous, la diversité des débouchés, l’engagement des clients via des commandes et les partenariats avec les collègues, sont d’importants facteurs de réussite ».
A 50 mètres d’un axe de grand passage, développer un point de distribution à la ferme est sans doute une bonne option. Au GAEC de la Crouée, l’efficacité du système semble faire ses preuves. Fabian Aubriot en témoigne : « il y a environ 7 ans, j’ai rejoint mon père sur la ferme. Nous avons commencé par proposer des caissettes de viandes bovines, puis mon frère aussi s’est installé. Nous avons monté quatre poulaillers de chair pour les Eleveurs de Champagne et commercialisons une petite partie de notre production en vente directe. Avec la crise Covid, nos clients, nos voisins nous demandaient des œufs, nous avons maintenant 250 poules et pour compléter la gamme nous élevons même quelques porcs ».
Vente en casiers
Pendant la crise Covid, le Gaec a acheté un premier distributeur automatique pour les oeufs et devant son succès il en a acheté un second en janvier 2022. « Nous avons aujourd’hui 100 casiers dont 70 réfrigérés et proposons nos viandes, (boeuf, porcs, volailles, charcuteries), nos œufs. Nous complétons la gamme avec des achats reventes de produits laitiers d’une exploitation voisine et des légumes de deux maraichers. »
Sa mère, Judith ajoute : « Gérer les 100 casiers, organiser les commandes de caissettes de boeufs, de volailles, assurer le suivi des produits et des casiers pour avoir toujours des produits frais et appétents est un véritable travail alors je suis revenue sur la ferme et je peux me rémunérer car les clients sont au rendez-vous. Avoir les casiers à la ferme facilite la logistique car je suis sur place. Compte tenu des tranches horaires auxquelles il faut assurer le ravitaillement des casiers il serait compliqué de confier cette tâche à un salarié ».
Produits super frais
Aymeric Lechenet, agriculteur diversifié dans une production de légumes de plein champ a choisi de se consacrer avant tout à la production et de minimiser le gaspillage. Il travaille sur commande notamment avec la restauration collective et quelques commerces. Il explique : « je me suis lancé dans le légume en 2018 car ma ferme était trop petite et j’avais besoin d’améliorer mon revenu. J’ai aussi un emploi salarié alors l’idéal pour moi est de livrer mes clients avant le milieu de matinée pour ensuite travailler sur ma ferme ou celle de mon employeur. La restauration collective, les commerces sont des clients idéaux pour moi et de leur côté, ils sont ravis d’avoir des produits super frais cueillis la veille au soir ou le matin même. J’ai investi environ 10 000 € dans du matériel de cultures et d’arrosage, la Région et le Département ont subventionné le matériel de culture ».
Pour Pierre Cuvier, arboriculteur, la vente directe avec avant tout un moyen de sécuriser son revenu. « J’exploite quatre ha de vergers et compte tenu des dernières années assez compliquées au plan climatique, je ne regrette pas d’avoir choisi de tout vendre en direct car j’ai ainsi pu valoriser mes récoltes quand j’avais peu de fruits. Je vends en collectifs et en magasins de producteurs ainsi que directement à la ferme. J’essaie d’optimiser la logistique. Les partenariats avec des collègues aident à mutualiser les tournées de livraisons ».
Construire une offre en viandes haut-marnaises
Pour 2025, la Chambre d’agriculture se donne comme défi qu’un maximum des cuisines collectives, de restaurants traditionnels et de boucherie se fournissent en viandes bovines et en porcs haut-marnais. Le tout issus du nouvel abattoir et son atelier de découpe qui devraient être opérationnels fin 2024.
Pour Bernard Flammarion, élu à la Chambre d’agriculture, « toutes les planètes sont alignées, la loi Egalim encourage les cuisines collectives à se fournir en produit sous signe de qualité, alors que les élevages bovins du département sont aujourd’hui pour beaucoup en mesure de répondre au cahier des charges d’une viande label rouge. Et s’il n’y a plus beaucoup d’élevages de porcs en Haute-Marne, un nouveau modèle peut être développé avec la mise en place de lots de 30 ou 40 porcs en ateliers complémentaires ».
Agrilocal 52
Jean François Delamarre, président directeur du Leclerc de Saints-Geosmes, déjà gros distributeur de viandes bovines locales confirme que les élevages haut marnais sont capables de produire de la bonne viande. « Nous travaillons avec une quinzaine d’éleveurs auprès desquels nous sommes engagés sur un volume et sur un prix majoré. Les producteurs s’engagent sur les dates de livraisons et sur la qualité des carcasses. Cela fait plus de 20 ans que le système fonctionne du fait du respect des engagements de chacun ».
Michel André, conseiller départemental, est venu affirmer la volonté du Département de faciliter l’entrée des produits haut-marnais dans les cuisines collectives « Nous avons mis en place Agrilocal 52 mais cet outil n’est pas suffisant. Pour le respect de la loi Egalim, il nous faut créer des filières locales certifiées équivalentes à un label rouge. Il faudra aussi structurer l’offre et réaliser les équilibres matières en planifiant les commandes ».
Quelques chefs de cuisines des collèges soulignent la nécessité de consolider l’offre et surtout d’arriver à maintenir l’équilibre économique face à la flambée des prix quand leur budget reste de moins de 2 € par repas.
Laurent Faure, professeur de boucherie à Alméa Formations, venu accompagné de quatre apprentis, témoigne : « les techniques de boucherie française sont très performantes pour optimiser les carcasses et donc réduire les coûts de revient. Il est important de les transmettre tout en adaptant nos formations aux nouvelles contraintes du métier aux attentes des jeunes qui le choisissent. Nous serons aux côtés des éleveurs pour faire en sorte que l’abattoir et son atelier de transformation puisse proposer des viandes de qualité aux boucheries, aux cantines ».
Un développeur filières
Joël Jeanson, éleveur, fait alors part de son expérience en tant qu’administrateur de MBCA. « Manger Bio en Champagne Ardennes est une plateforme de mise en relation des cuisines collectives avec les producteurs biologiques. Je fournis la plateforme en viandes bovines depuis plus de 10 ans. J’arrive à réaliser les équilibres matières en travaillant en partenariat avec Huguier Frères qui m’assure une prestation de découpe et de livraisons. Je valorise l’essentiel d’une carcasse en cuisines collectives, le reste est repris par Huguier Frères. Mon travail est de produire, de conduite la bête à l’abattoir, d’assurer les relations clients … »
A Bernard Flammarion de conclure : « dans les 2 ans qui viennent il faudra caractériser les besoins des différents débouchés, puis identifier des éleveurs volontaires, et les mobiliser pour définir des cahiers de charges. Il faudra ensuite promouvoir les offres de viandes et mettre la production en route dans les fermes. Un vaste chantier confié à Grégory Desbois, récemment recruté en tant que développeur filières ».
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