Leprest, Dimey, Mano Solo… Hommage aux « Naufragés » de la chanson
Allain Leprest, Bernard Dimey, Philippe Léotard ou Mano Solo… Ils ont écrit certains des plus beaux textes de la chanson française mais sont passés à côté du très grand public. Cyril Mokaiesh rend hommage à ces « Naufragés » dans un élégant album-livre.
« Ils avaient un talent inouï mais la lumière ne les a pas forcément choyés autant qu’elle aurait dû, pour des raisons qui nous échappent », explique Cyril Mokaiesh, révélé en rockeur énervé en 2008 au sein du groupe portant son nom avant de se muer au fil des années en chanteur réaliste, avec des albums solo parus en 2011 puis 2014.
C’est avec un simple piano en accompagnement – celui du jazzman Giovanni Mirabassi – que le chanteur de 30 ans a choisi de revisiter des chansons d’Allain Leprest, du Nogentais Bernard Dimey, de Philippe Léotard, Pierre Vassiliu, Daniel Darc, Mano Solo et quelques autres grands disparus.
Autant d’artistes qui sont, à ses yeux, des « naufragés, flamboyants mais naufragés quand même ». A côté du disque, un livre retrace les carrières tourmentées des intéressés sous la plume du journaliste Bertrand Dicale, grand connaisseur de la chanson française.
Mokaiesh a eu l’idée de ce projet en rencontrant Mirabassi : «Je savais que je rencontrais un jazzman italien, mais j’ai découvert qu’il avait dans son téléphone plus de chansons que de jazz. Et à partir du moment où j’ai évoqué le nom d’Allain Leprest, il a souri et il m’a dit : “Là, tu me prends par les sentiments…!”»
Cité en référence par certains chanteurs actuels, Allain Leprest, qui s’est suicidé en 2011, est un artiste que Cyril Mokaïesh a longuement écouté en préparant son dernier album solo. «J’aime sa poésie, son sens de la musique et des mots, son interprétation», énumère Mokaiesh, qui interprète sur son disque-hommage les chansons « Nu » et « C’est peut-être ».
Des gens inimitables
De fil en aiguille, Mokaiesh et Mirabassi ont décidé de se promener sur le versant un peu obscur et tourmenté de la chanson française et se sont intéressés à ces écorchés que sont Pierre Vassiliu (1937-2014), Bernard Dimey (1931-1981) ou Jacques Debronckart (1934-1983), lequel n’avait « rien à envier à un Brel ou à un Ferré ».
Cyril Mokaiesh finira par ajouter à cette liste le nom de Mano Solo, fils du dessinateur Cabu et autre grand écorché de la chanson française qui a longtemps lutté contre le sida avant de s’éteindre en 2010 à l’âge de 46 ans. « J’avais une prudence, je me disais que quand j’entendais Mano Solo, je n’avais pas envie de l’entendre chanter par quelqu’un d’autre. Il a fallu se faire violence et prendre confiance », glisse-t-il. Il reprend sur le disque la chanson « Les enfants rouges ».
« Le danger, c’est que tous ces gens-là sont inimitables », ajoute Mokaiesh au sujet de ces « naufragés », mais la tentation était trop forte de faire vivre leurs textes. « Ce n’est pas ma génération et à la fois, ça fait des années que je chante une chanson française qui se veut être à texte, avec du sens, certains disent de +premier degré+. Là, je le crie haut et fort dans ce disque : cette famille me touche », tranche celui qui fut tennisman avant d’être chanteur.
Vocalement, ces reprises lui ont en outre appris « la douceur », estime le chanteur connu pour ses envolées lyriques.
Le duo des deux « M » va défendre sur scène ce répertoire partout en France avec un passage du 6 au 17 octobre à Paris pour une série de concerts dans le salon Nijinski du Théâtre du Châtelet.
Dimey, impressionnant sur scène. (Photo d’archives Médiathèque de nogent)
Daniel Darc, autre naufragé de la chanson française.