L’enfer, c’est les autres !

La rencontre organisée samedi dernier à Euffigneix sous l’égide de l’évêché de Langres et animée par Théo Caviezel, posait en termes abruptes une question que l’actualité a rendue délicate : vivre en mode rural, enfer ou paradis ?

Autour de la table des intervenants, Mgr Joseph de Metz-Noblat, évêque de Langres, Philippe Collin, agriculteur méthaniseur, Brigitte Fischer-Patriat pour le Conseil départemental et Cécile Foissey venue sans son estampille de la Chambre d’agriculture, mais grand témoin des « néo-ruraux », ces « gens de la ville » venus vivre à la campagne.

Car c’est naturellement autour de cette cohabitation que les échanges se sont faits. Distribuant la parole, Théo Caviezel a d’abord tenté de définir la notion même de ruralité devant un aréopage d’une soixantaine de personnes.

Cécile Foissey a retracé rapidement son parcours de « Lyonnaise qui a découvert voici 25 ans une vie rurale insoupçonnée. Je suis allée d’étonnement en étonnement, ayant l’impression d’un grand décalage générationnel, comme si la ville et la campagne étaient séparées par au moins une génération, dans les habitudes, les comportements et aussi les valeurs. Les distances aussi, se sont révélées à moi : on est toujours un peu loin de ce qui est près. »

Des travers de la vie rurale qui offrent aussi de bonnes surprises, comme la découverte de nuits vraiment étoilées, sans pollution lumineuse.

Étrange ou être ange ?

L’ombre et la lumière, le bien et le mal, le ciel et la terre… L’enfer ou le paradis ? Mgr de Metz-Noblat a fait redescendre un peu ces notions éthérées en résumant : « En fait de paradis, interrogeons-nous de savoir si vivre à la campagne est une joie profonde, dans son acception christique ? »

Las, les échanges ont parfois pris des détours assez compliqués pour exposer les situations particulières, les attentes, les regrets : le vieillissement des habitants, les problèmes pour s’organiser quand on se sent dispersés, les difficultés d’intégration, surtout.

Beaucoup ont raconté cet ostracisme rémanent dont sont cibles les « étrangers aux villages », ceux qui s’y sont installés sans en être natifs. Une hostilité d’autant plus amèrement ressentie qu’elle ne repose souvent sur aucune rationalité et qu’elle est la marque d’un flagrant manque de bienveillance. Au moment de s’exprimer, le public, avide d’oreilles complaisantes, n’a pas craint d’aborder des clichés qui se manifestent réellement.

…Et viendra la lumière

Pourtant, par une sorte de prodige collectif qui tenait probablement à l’initiateur de la rencontre, toutes les prises de parole sont arrivées globalement à une conclusion unique. Dans la bouche de Philippe Collin : « Nous avons aussi une transmission générationnelle à faire entre la diversité de nos agricultures en Haute-Marne et les différences qui existent dans tous ceux qui constituent la ruralité. Il y a une nécessité de reprendre en main notre cohésion. »

Tous l’ont dit : l’Eglise a son rôle à jouer dans ce ciment entre les gens, comme c’est sa fonction millénaire, ce sur quoi les participants sont tombés d’accord, à l’instar de cet habitant de Dancevoir rappelant qu’à son arrivée, « à part à l’église, il n’y a pas eu d’accueil. »

Réconciliation, rencontre, partage… Remettre l’église au milieu du village, en somme.

Renaud Busenhard