A Troyes, le vitrail dans tous ses états
Le 17 décembre, la Cité du vitrail a ouvert ses portes à Troyes. En dix jours, près de 10 000 visiteurs sont venus découvrir les 3 000 m2 dédiés à cet art. Entre les murs de l’Hôtel Dieu de Troyes, mais aussi à travers différents édifices de l’Aube, la technique et l’histoire du vitrail se mêlent.
Le 4 janvier, après seulement une dizaine de jours d’ouverture, déjà 10 000 visiteurs ont découvert l’art des maîtres verriers à la Cité du Vitrail. Dans l’ancien Hôtel Dieu de Troyes, le public se balade entre les siècles pour découvrir cet art dont l’Aube est une des pierres angulaires (voir encadré).
Dès les portiques de la Cité passés, le visiteur est mis dans le bain. Il fait face à un immense escalier du XVIIIe siècle, avec, au centre, un lustre de 15 mètres et de 200 kilos. « Il nous a semblé logique et beau que le visiteur soit accueilli par cette œuvre contemporaine composée de manchons, la matière première des verriers », indique Nicolas Dohrmann, directeur des archives et du patrimoine du département de l’Aube.
Voyage dans les siècles
Pour arriver au départ de la visite, situé au dernier étage, le public tourne autour de ce lustre géant. Arrivé au cinquième étage, il découvre l’histoire du vitrail et les coulisses de sa conception. « On croit souvent que le vitrail vient du Moyen-Age, mais on en retrouve dès l’Antiquité. En France, on a des vitraux aboutis datant du IVe siècle. De par leur qualité, on peut imaginer que les techniques étaient déjà connues aux IIe et IIIe siècles », explique Nicolas Dohrmann. La pièce la plus ancienne exposée à la Cité date du VIIe siècle.
Un focus a été réalisé sur le XVIe siècle. « A cette période, tous les arts communiquent ensemble. Le verre est peint et le même modèle peut faire l’objet d’un tableau, d’une peinture et d’une sculpture », ajoute-t-il. La Cité fait également découvrir des vitraux beaucoup plus récents, notamment un de 1956. Ce dernier a la particularité d’être ondulé, à l’image d’une plaque de tôle, faisant ainsi écho aux bâtiments industriels.
Au fil des années, les techniques ont évolué. Si les réseaux de plomb ont constitué la majorité des vitraux jusqu’au XIIIe siècle, l’arrivée des réseaux d’argent transforme les techniques. Cette avancée a conduit à de la peinture sur verre. « C’est presque de la peinture classique », indique Nicolas Dohrmann. Aujourd’hui, certains de ces réseaux sont en ciment. « Il y a énormément de techniques », résume-t-il.
La collection évolue au gré des restaurations
Si le vitrail a son histoire, il permet également de la raconter. « Nous avons un vitrail d’Henri IV arrivant à Troyes. On y voit comment s’organise le cortège. C’est un très beau vitrail, mais c’est aussi un document historique permettant de comprendre comment le roi se déplaçait », raconte le directeur des archives et du patrimoine.
Dans six mois, il est possible qu’un autre vitrail soit à sa place. Pour cause, les pièces exposées viennent soit d’édifices démolis, soit de bâtiments en rénovation. Dans ce second cas, les vitraux retournent à leur place une fois les travaux terminés. « L’idée est que les gens puissent venir à intervalles régulières et qu’ils découvrent de nouvelles choses », confie Nicolas Dohrmann.
La diversité de la collection tient aussi dans une approche décentralisée de la Cité. Certains de ses vitraux ne sont pas exposés à l’Hôtel Dieu, mais à leur place d’origine, dans des églises et autres édifices. A l’entrée de la Cité, une carte identifie cette soixantaine de lieux éparpillés dans le département. Ces derniers sont également indiqués sur l’application web de la Cité du Vitrail.
Un tour dans la Cité doit ainsi inviter le visiteur à aller découvrir les autres vitraux. « La cité du Vitrail est le vaisseau amiral d’un projet de territoire », soutient Nicolas Dohrmann. Si pour l’instant tous les édifices sont dans l’Aube, cela pourrait évoluer. « Rien n’empêche d’imaginer qu’à terme nous travaillerons avec d’autres départements », confie Nicolas Dohrmann.
Julia Guinamard
Le saviez-vous ?
Pour imaginer le logo aux deux « C » s’entrelaçant, l’histoire dit que Coco Chanel se serait inspirée de vitraux cisterciens, ceux de l’abbaye d’Aubazine en Corrèze. Leur caractéristique est d’abandonner le figuratif pour l’abstraction, jouant souvent avec la géométrie. Ils sont marqués par une grande épuration et laissent passer une lumière voulue pure et blanche, dans le but de ne pas déranger le chrétien en train de prier.
Un art européen
« Le vitrail est un art occidental », assure Nicolas Dohrmann. A travers le monde, 80 % du vitrail vient d’Europe. Parmi ces 80 %, 80 % viennent de France. Parmi eux, 80 % sont issus du Grand-Est et encore 80 % de l’Aube. « La richesse du vitrail dans l’Aube vient des reconstructions après la guerre de Cent Ans, au XVIe siècle. Par chance, la région a peu été touchée par les guerres mondiales », raconte le directeur des archives et du patrimoine du département de l’Aube. Néanmoins, cela ne veut pas dire que toute la collection est d’inspiration franco-française. La cité compte un vitrail représentant des danseuses sacrées de l’île de Java ou un autre réalisé par l’artiste américain Kehinde Wiley.
Un bâtiment historique
La Cité du Vitrail prend place dans l’ancien Hôtel Dieu de Troyes, dont le début de la construction est daté au XIIe siècle. En visitant la Cité, le public peut se rendre à la sacristie qui a été conservée avec son mobilier. Si les bombardements de la seconde guerre mondiale n’ont pas beaucoup touché l’Aube, les vitraux de cette chapelle ont été soufflés et ils ne peuvent donc plus être admirés. Aujourd’hui, de grandes baies transparentes les remplacent et offrent des espaces d’exposition.
Des ressources à découvrir
Un centre de ressources est mis à disposition du grand public. Les visiteurs y trouvent une carte interactive et une vidéothèque. Pour les chercheurs, une collection de 4 000 ouvrages est consultable disposition sur réservation. « Nous voulons que la cité épaule la recherche », assure Nicolas Dohrmann. Par ailleurs, une petite salle de cinéma met en image le travail des maîtres verriers. De quoi se reposer les jambes après avoir piétiné dans la cité.