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Le souvenir qui ne nous appartient pas

Un grand-père évoque un souvenir précis d’une vieille tante à son petit-fils… Il lui dit qu’elle habitait là dans cette bourgade, à côté de la boulangerie du centre, qu’elle portait des chignons gigantesques, qu’elle parlait toute seule, qu’elle s’adressait à des fantômes… Le petit-fils ne reçoit que l’image d’un souvenir qui ne lui appartient pas, il est invité à se l’approprier. Et en grandissant, il collectionnera des souvenirs qui ne faisaient pas partie de son existence mais que sa mémoire intégrera comme si c’était les siens.

La transmission s’assure avec des souvenirs qui nous sont étrangers mais que nous nous approprions. À tout moment, quand j’évoque le passé, je peux penser à un membre de ma famille que je n’ai pas connu et même imaginer sa présence. Je vis en quelque sorte avec des morts qui m’ont précédé et que je n’ai jamais vus quand ils étaient vivants, l’écart entre générations étant trop grand. Mais j’en ai tellement entendu parler que je pourrais reconstituer leur visage, leur allure et même faire comme si j’étais de la même époque. Notre mémoire fabrique des liens incroyables en nous imposant des souvenirs qui ne nous appartiennent pas. 

Ce qui nous ravit parfois, c’est le retour d’un souvenir oublié, et qui, au temps présent, nous paraît d’abord étranger. Une réminiscence impromptue. Ce qui aurait dû nous être familier semblait avoir disparu de notre mémoire et revient subrepticement. Souvent ce sont des lieux qui nous le rappellent. La mémoire se présente comme un paysage : le territoire sur lequel nous vivons ou sur lequel nous retournons fait resurgir au temps présent des images oubliées.

Car les lieux nous protègent de ces pertes de mémoire qui rendent nos souvenirs plus confus.

Le passé serait donc d’abord une affaire collective. Même s’il se présente comme une histoire intime, il est projeté dans la communauté par les récits qu’on en fait. Bien sûr, chacun a ses propres souvenirs, et pour ainsi dire, ses propres secrets, mais le partage des mémoires ne connaît pas de barrières, la transmission ignore la “propriété privée”. Elle se fait au hasard des circonstances. Et elle prend sens quand elle se fait l’histoire de “ce qui s’est passé”. Dans un village, le passé de l’un est partie prenante du passé de l’autre, et l’échange des souvenirs advient souvent quand on ne s’y attend pas.

Sans ce partage communautaire du passé, la mémoire individuelle resterait enfermée dans son propre récit comme dans une prison. 

Henri-Pierre Jeudy

 

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