Le poids de la rumeur – L’édito de Christophe Bonnefoy
Nicolas Hulot a «peur de la rumeur, mais pas peur de la vérité». Sans le savoir, il résume peut-être en une phrase cette libération de la parole des femmes depuis l’explosion de la bombe Weinstein. Précisons que l’ex-animateur d’Ushuaïa est présumé innocent. Tout comme les dizaines d’autres hommes visés par des accusations, connus ou anonymes. Et encore, il n’y aurait en ce qui concerne le ministre carrément pas à évoquer cette présomption. Car à l’entendre, il n’y a même juridiquement aucune affaire le concernant. Mais il y a la rumeur.
Il n’appartient qu’à la Justice, si elle doit aller plus avant dans la recherche éventuelle d’une vérité, de faire son travail. Mais il y a la rumeur… et les conséquences qu’elle peut engendrer.
Le harcèlement, quelle que soit sa forme dont certains ont par ailleurs déjà assumé – si l’on peut dire – la réalité, en particulier dans le milieu du cinéma américain, est inacceptable. Il est tout bonnement condamnable, dans tous les sens du terme.
Mais la rumeur, elle, l’est tout autant. Pire même, elle risque de finir par discréditer le combat légitime de ces centaines de victimes d’hommes qui se pensent tout-puissants parce qu’ils possèdent une certaine forme de pouvoir.
La parole se libère, certes, et c’est une excellente chose. Il ne faudrait pourtant pas qu’elle se transforme en une arme de destruction massive, dégainée uniquement par opportunisme. Ou que des faits supposés soient utilisés à d’autres fins que celles de dénoncer le harcèlement. Cette parole trop facile et tentante, alors, aurait deux conséquences : briser à jamais des coupables de circonstance finalement innocents évidents ; et décrédibiliser au bout du compte la parole des vraies victimes, soupçonnées à leur tour d’accuser un peu trop facilement, même quand les faits existent bel et bien.