Qui était le plus jeune chef de bataillon haut-marnais de 14-18 ?
Mort pour la France quelques jours avant l’armistice de 1918, le capitaine Joseph Belin, né à Saint-Dizier, n’avait que 25 ans.
24 octobre 1918. Le 152e régiment d’infanterie, qui a commencé la guerre en Alsace il y a quatre ans déjà, se bat désormais en Belgique, sur la Lys. La fin des combats est proche. Même si les Allemands résistent. Ils défendent Wacken. Le 15-2 doit réduire cette position, dans une boucle de la rivière.
La veille, le 2e bataillon avait passé la Lys à Vive-Saint-Bavon. Il s’agit aujourd’hui de pousser, à 10 h 15, une nouvelle offensive. Objectif : une route à proximité de Zulte. Son chef est jeune. Très jeune. C’est un Bragard de 25 ans, le capitaine Joseph Belin.
De Saint-Dizier à Saint-Cyr
C’est au domicile de son grand-père maternel, rue du Collège à Saint-Dizier, que naît Henri (dit Joseph) Belin, le 6 juillet 1893. Son père, Eugène, était alors chef de bataillon d’infanterie de marine, à Cherbourg (Manche). Agé de 36 ans, ce vétéran des expéditions du Tonkin et de Madagascar, natif de Vincennes, était l’époux de Marie-Josèphe Feuillette, 21 ans.
Comme son père (futur colonel), Joseph sera militaire. Ancien élève du collège de Saint-Dizier, il intègre Saint-Cyr, promotion de Montmirail (1912-1914). Sorti avec le numéro 81, il est appelé, en 1912, à servir au 27e régiment d’infanterie de Dijon.
Capitaine à 23 ans
Belin a 21 ans lorsque le 5 août 1914, il est nommé sous-lieutenant au 45e régiment d’infanterie. Dès le 18 août 1914, il est blessé à l’occasion d’une reconnaissance à Evrehailles, en Belgique. Deux ans plus tard, à 23 ans, il commande une compagnie du 3e bataillon, obtenant le grade de capitaine à titre définitif le 30 décembre 1916. Puis il est muté, par décision du 20 septembre 1917, au 152e RI.
Dans le texte de citation lui accordant la Légion d’honneur pour compter du 6 septembre 1918, il est indiqué que le capitaine Belin « s’est dépensé sans compter, risquant constamment sa vie pour assurer des liaisons d’une importance capitale. A été un exemple vivant d’héroïsme et un collaborateur dévoué et zélé pour son chef de bataillon. Déjà deux fois blessé au cours de la campagne. »
« A l’improviste »
Une nouvelle citation dira : « Rentré de permission en plein combat, a repris de suite sa place à son bataillon engagé en première ligne et s’y est de suite largement employé. Appelé à l’improviste à prendre le commandement d’un bataillon voisin engagé également en première ligne dont deux chefs venaient d’être successivement blessés, a grandement contribué à la réussite de l’opération, atteignant en flèche avec un flanc découvert les premiers objectifs assignés. »
Il y a peu de jours que le capitaine Belin a pris le commandement du 2e bataillon. L’unité avait perdu son chef, le tout aussi jeune capitaine Piard-Deshayes, 25 ans, dans la nuit du 30 septembre du 1er octobre 1918.
« Demi-succès »
Ce sont les 1er et 2e bataillons, commandant Liniers et capitaine Belin, qui participent à l’attaque du 24 octobre 1918. Le journal de marche et d’opérations du régiment le reconnaît, l’offensive est lancée « sans reconnaissance du terrain suffisante, et avec une action d’artillerie mal coordonnée à celle de l’infanterie. Progression de 600 m au-delà du ruisseau de Tooverbeek . » L’historique du 15-2 parlera d’un « demi-succès ».
Cette attaque, la dernière du conflit, « devait coûter la vie au commandant du 2e bataillon, l’héroïque capitaine Belin, jeune officier […] dont la carrière s’annonçait brillante, et qui laissa au régiment d’unanimes regrets ». Le Bragard décède en effet le même jour des suites de ses blessures, à l’ambulance d’Iseghem. Quelques jours plus tard, le 15-2 franchira aisément l’Escaut qu’il devait passer « de vive force » et apprendra l’armistice.
L. F.