Le pire évité – L’édito de Patrice Chabanet
Les Européens se sont arrêtés au bord du précipice. C’est déjà presque un exploit tant les tensions liées à la question migratoire laissaient entrevoir un éclatement de l’Union. Ils se sont parlé et ont abouti à un accord. Pas de quoi pavoiser pour autant. Ledit accord lance quelques pistes, comme la mise en place de centres contrôlés pour gérer l’arrivée des migrants, mais sur la « base du volontariat ». Cela permet à chaque Etat-membre de sortir satisfait de cette négociation au bout de la nuit. Le pire a donc été évité. Un sursis ou une première étape vers la réconciliation des contraires ? Bien malin qui peut aujourd’hui lire dans le marc de café européen.
L’accord, même fragile, très fragile, trouvé à Bruxelles intervient, hasard du calendrier, au moment où Simone Veil s’apprête à faire son entrée au Panthéon. Qu’aurait pensé l’ancienne présidente du Parlement européen du spectacle qu’offre aujourd’hui le Vieux continent ? Elle, la survivante d’Auschwitz, avait vécu dans sa chair les débordements et les horreurs provoqués par la montée des nationalismes, de la xénophobie et de l’antisémitisme. Or ces pathologies réapparaissent en plein jour. Il n’y a qu’à écouter le discours du ministre de l’Intérieur italien, Matteo Salvini, un maniaque du fichage des populations « allogènes », comme on disait en 1940.
Paradoxalement, le retour de ces vieux réflexes rafraîchit la mémoire de ceux qui avaient fini par oublier. Il revient aux dirigeants européens qui ont encore foi dans l’idéal démocratique de rappeler à leurs électeurs qu’une rechute est vite arrivée. Ce qui n’exclut pas la lucidité. On n’entre pas dans l’Europe comme dans un moulin, surtout quand certains veulent y importer des valeurs qui ne sont pas les nôtres. Il doit bien être possible de relever ce défi sans tout casser. Les mêmes qui hurlent contre la toute puissance de Bruxelles seront les mêmes à s’effrayer de la renaissance d’une grande Allemagne.