Le naufrage – L’édito de Patrice Chabanet
Bousculée, malmenée, piétinée, notre démocratie n’avait vraiment pas besoin de cela. L’affaire Griveaux marque une nouvelle étape dans la déstabilisation de nos institutions et, tout simplement, de notre vivre ensemble. Le candidat LREM n’a rien fait de répréhensible. Le contenu de la video met en scène des adultes consentants. Mais aujourd’hui les réseaux sociaux se sont arrogé le droit d’abolir la barrière qui sépare vie privée et vie publique. Le pseudo-artiste russe à l’origine de cette effraction explique sans sourire que l’immoralité que révéleraient ces images montre la tartufferie d’un Griveaux moralisateur dans son discours politique. Employer des méthodes dégueulasses est-ce pour autant un moyen de revitaliser la démocratie ? Piotr Pavlenski est un piètre justicier en mal de reconnaissance qui se complaît dans la fange. A ce titre-là, il a réussi son coup. La vie politique française se voit ainsi entraînée dans une dérive où les coups bas sont la norme, où le buzz devient un outil de conviction, où la retenue n’a plus sa place. C’est la consécration du « no limit« . Il y aura d’autres affaires comme celle qui a fait sombrer Benjamin Griveaux.
On ne peut dissocier la diffusion d’une vidéo privée de la violence qui étreint notre pays. Violence verbale, violence physique. L’approche de l’élection reine, la présidentielle, ne peut que donner des idées aux spécialistes des coups tordus, des photos volées, des mails interceptés et des fake news. Les réseaux sociaux devaient libérer la parole en court-circuitant le discours officiel. A l’usage, on prend conscience qu’ils peuvent polluer massivement et favoriser l’essor de valeurs nauséabondes. Au nom de la liberté d’expression, les théoriciens d’un droit pur et dur s’opposent à la moindre régulation de cette communication sauvage. Ce n’est pas comme ça qu’on empêchera le naufrage de notre modèle démocratique.