Le Moyen-Age est loin d’être au bout du rouleau
Exposition aux archives départementales à Chaumont. Des chercheurs du CNRS et de l’université de Lorraine (entre autres) ont travaillé pendant quatre années sur le rotulus haut-marnais, un rouleau de parchemins, patrimoine médiéval, très usité au Moyen-Age.
Quinze chercheurs se sont associés pour une étude devenue exposition itinérante, qui a déjà été rodée en Lorraine, et dans les Vosges. La voici présentée vendredi 5 décembre et désormais visible aux archives départementales. Paul Fournié, premier adjoint chargé de la culture, s’est réjoui de la mobilité des archives haut-marnaises, de la circulation du patrimoine écrit, qui se dévoile hors du territoire. Et quel patrimoine, pour certains : » les Langrois étaient mécontents de leur évêque. Ce n’est pas moins de 80 mètres de parchemins enroulés qu’ils ont fait parvenir au Pape! « . Prudence de mise pour Monseigneur Joseph de Metz-Noblat… Le « cartulaire-rouleau » tel qu’il se nomme est encore présent et conservé en Haute-Marne, nos voisins de la Marne, Meuse ou Haute-Saône n’en disposent plus. Paul Fournié a par ailleurs rappelé la modernité du concept : aujourd’hui, « scroller » sur son téléphone, c’est précisément dérouler le fil d’actualité. Le commissaire de l’exposition, Jean-Baptiste Renault, lui-même chercheur à l’université de Lorraine, a rappelé son plaisir d’inaugurer le résultat de longs mois de recherches, là où les chercheurs se cantonnent en général à leurs bureaux ou au terrain.
Intérêt croissant des chercheurs
Cette forme d’écrits à dérouler était réservée à des documents utilisés dans des lectures publiques : texte liturgique ou théâtral, proclamation officielle. Il pouvait aussi servir à des listes administratives, des suppliques destinées au Pape ou des listes de personnalités défuntes (ces listes étaient appelées « rouleau des morts »). Au delà de la présentation de quelques remarquables exemplaires d’origine, l’exposition retrace l’histoire de ce mode de transmission écrit, et s’attache à poser quelques questionnements fondamentaux. Par exemple, le rouleau constituait-il une innovation au Moyen-Age? Sa forme particulière, très différente des modèles de parchemins pré existants, répondait-elle à des besoins spécifiques nés dans le monde monastique? Quant à sa fabrication, elle se décline par un assemblage de feuilles d’un matériau souple, telles que peaux de parchemin ou de feuilles de papier, assemblées verticalement entre elles par collage ou couture.
Remarquables exemplaires
Les visiteurs découvriront notamment un mémoire datant du XVe siècle adressé au Roi par les habitants de Langres, un rouleau de l’Abbaye de Septfontaines, seconde moitié du XIIIe, ou encore un petit rouleau appelé censier, récapitulant des rentes foncières d’un seigneur chaumontais, sauvegardé depuis la seconde moitié du XIVe siècle. Le plus dur, encore une fois, en rouleau ou pas, c’est de ne pouvoir toucher ces trésors qu’avec les yeux.
Elise Sylvestre