Le Monde de Tim : vie d’un artiste et paysan haut-marnais
Jean-Michel Douche a découvert par hasard le travail de Tim, un artiste et paysan haut-marnais anonyme du XXe siècle. Pendant 10 ans, il a épluché 35 ans de dessins. Il a partagé sa découverte du « Monde de Tim », lors d’une conférence, à l’espace Bouchardon, ce samedi 11 mars.
« Je n’ai jamais rencontré Tim. » Pourtant, Le Monde de Tim a marqué les dix dernières années de Jean-Michel Douche. Les chemins des deux hommes se sont croisés par hasard. Alors que Jean-Michel Douche passait son temps libre à arpenter les vide-greniers de la région, il tombe sur deux caisses de moteurs de locomotives à Nogent. Quelques mois plus tard, pendant son rangement hivernal, il découvre les œuvres de Tim, un artiste et paysan haut-marnais anonyme du XXe siècle.
Dès lors, une passion nait. Jean-Michel Douche et sa femme se mettent retracer l’histoire de Tim en parcourant 35 ans de dessins. « La vie de Tim transpire par ses dessins », soutient le mari. Le couple a partagé le fruit de ses recherches lors d’une conférence, organisée par Itinéraires singuliers, une association liant culture et santé, ce samedi 11 mars, à l’Espace Bouchardon.
Tim (1917- ≃1971) a grandi à la ferme. Il été aideur, légumier et moutonnier, mais surtout artiste. Pendant 35 ans, il a dessiné et commenté ses moments de bonheur, de tristesse, de joie et d’amour. Ses œuvres mêlent du texte et une trentaine de pictogrammes pour former une écriture phonétique. Tim écrivait par exemple la lettre « i » en dessinant une étoile. Son travail s’inscrit dans l’art brut, un courant regroupant des artistes n’ayant suivi aucune formation académique.
Chasser les « démonstres »
Tim mettait en scène ses proches, mais aussi de nombreux personnages et créatures imaginaires. Parfois, ils s’imbriquent même les uns dans les autres. Un dessin représente ainsi le Roi Bono, portant un chapeau, dans lequel se trouve Touffe, le géant paysan.
Tim a laissé de nombreuses histoires qu’il mettait en scène sur des cartes d’une dizaine centimètres de haut. « Il adorait faire des narrations visuelles sur des cartes, je pense que ça lui permettait d’étaler son monde devant lui. Il se faisait son cinéma », estime Jean-Michel Douche.
Par ailleurs, Tim utilisait l’art comme un remède. « Des dessins apprennent comment chasser les « démonstres ». Tim écrit qu’il suffit de les dessiner, de leur « pisser » et « crotter » dessus, puis de les « écrabouiller » et les « piétiner ». » Cet exercice, l’artiste l’a partagé à l’une des personnes en quête d’aide que lui ramenait régulièrement le prête du village.
En effet, les œuvres laissent apparaitre une personnalité joyeuse, généreuse et à l’écoute. Cela se retranscrit par les représentations de la sexualité de Tim. « C’était quelqu’un de très charnel, il a beaucoup a dessiné ses Belles et des nus », pointe Jean-Michel Douche.
Julia Guinamard
Faire connaître Le Monde de Tim et la Haute-Marne
« Nous voulons faire connaître Le Monde de Tim, autant du point de vue humain, par l’anthropologie, qu’artistique, par l’Art Brut », confie Jean-Michel Douche. Avec Le Monde de Tim, Jean-Michel Douche souhaite partager quelques pages de l’histoire du département. Né en 1918 d’un militaire américain et d’une mère paysanne haut-marnaise, Tim raconte la vie des paysans avant le remembrement agricole. « Tim avait dans sa poche un couteau et de la ficelle. A son époque, il n’y avait pas de tracteurs. Il vient d’un monde perdu », déplore Jean-Michel Douche, qui souhaite également mettre cette histoire en avant. Des projets d’expositions sont en cours, mais les dates ne sont pas encore prévues. Par ailleurs, un projet de livre fait son chemin.
Trier et dater Le Monde de Tim
« Le gros challenge a été de trier et dater les dessins », confie Jean-Michel Douche. L’année de naissance de Tim lui fait aucun doute, le père américain de l’artiste est arrivé en France en 1917 et l’a conçu peu de temps après. La date de sa mort est moins certaine. Des lettres de 1971 laissent penser que Tim est décédé au début de cette décennie. Par ailleurs, Tim a sur-dessiné un livre sur Picasso, édité en 1962. Ces moments clés ont servi de base pour le tri et le datage des centaines de dessins laissés par Tim.
Décrypter les pictogrammes et l’écriture phonétique de l’artiste a représenté un autre défi. Pour y parvenir, Jean-Michel Douche s’est appuyé sur des connaissances en calligraphie, vieux chinois et tibétain. Il a également profité du travail d’un inconnu qui avait laissé des commentaires avec les dessins.