Le moment de vérité – L’édito de Patrice Chabanet
La grève à la SNCF a achevé ce matin sa treizième séquence. Un tour de force pour les organisateurs, car il a fallu mettre du charbon dans la locomotive de la contestation. Mais la machine a moins de vigueur qu’au début du mouvement. L’usure et les retenues sur salaires ont fait leur effet. Mécaniquement, le moment de vérité approche. L’arrêt de la grève n’est plus une hypothèse farfelue. L’adoption, demain, par le Sénat de la loi sur la réforme ferroviaire, constituera en effet un tournant dans ce conflit hors normes. Elle inclura une série d’amendements susceptibles de satisfaire les deux syndicats réformistes, l’Unsa et la Cfdt. Le front syndical a donc de bonnes chances de voler en éclats. En toute logique, cela devrait signifier la fin de la grève. L’opinion publique ne comprendrait pas, à la veille des vacances, une radicalisation de la contestation provoquée par une minorité de grévistes.
Le gouvernement est donc en passe de remporter une deuxième manche, après celle de la réforme de la loi Travail. Dans les deux cas, il était attendu au tournant. La droite, dont certains éléments sont aujourd’hui aux manettes, ne pensait pas qu’il y parviendrait, ayant elle-même renoncé devant l’ampleur de l’obstacle. La gauche et l’extrême gauche avaient promis une marée populaire pour engloutir les réformes Macron. Elle n’a pas été au rendez-vous. Sur le papier, le président de la République sort gagnant de ces épreuves, ce qui n’est pas négligeable sur le plan électoral. Les Français ne plébiscitent pas le chef de l’Etat, nous indiquent les sondages, mais ils apprécient sa détermination qui tranche avec les hésitations permanentes de son prédécesseur. De quoi donner du baume au cœur d’Emmanuel Macron. Il en aura besoin, car d’autres réformes se profilent, bordées de précipices. On pense bien sûr à celle des retraites qui risque d’électriser l’ensemble du corps social. S’ajoute l’imprévisible, parfois à nos portes. Les incohérences économiques – hallucinantes – de la coalition populiste en Italie pourraient provoquer une grave crise financière en Europe. De quoi mettre en danger notre faible croissance et tout l’édifice des réformes en cours.