Le mauvais sens en action
Ancien conseiller financier en poste à Bourbonne-les-Bains, Silas Toronthal a répondu de multiples abus de confiance au préjudice de personnes vulnérables. Plusieurs dizaines de milliers d’euros auraient été détournés.
«Simple père de famille» pour Maître Larrière, professionnel «au comportement minable et honteux» pour les conseils des victimes, Silas Toronthal était un bien mauvais conseiller financier.
Morale et déontologie ne faisaient manifestement pas partie des compétences d’un homme disposant d’une certaine aura auprès de personnes âgées dépouillées de plus de 251 000 euros aux dires des conseils des victimes. L’affaire aura été révélée grâce aux investigations des services fiscaux. Les neveux d’une ancienne cliente de Silas Toronthal. auront ainsi décelé la disparition de 67 000 euros sur les comptes de leur défunte tante. D’autres victimes présumées auront rapidement été identifiées. La majorité répondait à un seul et même profil : âgées, vulnérables et ne disposant pas de descendants directs, les clientes du Crédit Agricole avaient toutes Silas Toronthal pour conseiller financier.
Après des aveux circonstanciés devant les gendarmes, l’escroc présumé aura nié tout détournement devant le juge d’instruction en charge du dossier. Silas Toronthal aura toutefois reconnu avoir profiter d’un don de 38 000 euros d’une de ses clientes. «Quelles qualités humaines peuvent expliquer une telle générosité, expliquez-moi, j’aimerais pouvoir en profiter, légalement», s’interrogera Me Tribolet….
Bons anomymes
Particulièrement détaillée et enrichie des interventions du procureur Martinvalet-Turinay, l’instruction menée par le juge Thil aura mis en évidence des pratiques inquiétantes. Interrogé quant au dépôt sur un de ses comptes de 122 000 euros en espèces entre janvier 2003 et septembre 2007, le prévenu assurait avoir reçu 94 000 euros – en liquide – suite à un héritage familial. «Des corrélations entre de gros retraits sur les comptes de vos clientes et des achats assurés par vos soins apparaissent», notait le juge Thil. Le prévenu assurait avoir uniquement remis des bons anonymes à sa clientèle (lire ci-dessous). «Arrêtez de parler de ces fameux bons, 30 billets de 500 euros ont été remis à une de vos anciennes clientes», martelait Me Tribolet. «La somme de 14 500 euros a été encaissée sur votre compte quelques jours plus tard», poursuivait le juge Thil. Impassible, Silas Toronthal niait toute malversation avant de contester la vulnérabilité – attestée par des documents émanant de médecins – de ses anciennes clientes.
Manquement déontologique
Introduisant sa plaidoirie par la passion de feu Jacques Vergès pour la décadence du petit postier filant caisse sous le bras, Me Tribolet regrettait le mutisme et les négations d’un prévenu «vivant au-dessus de ses moyens» grâce aux économies de petites gens. Certaine de la culpabilité du prévenu, le procureur Martinvalet-Turinay requérait une peine de 48 mois de prison dont 36 assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve comprenant notamment une interdiction d’exercer la moindre fonction dans le secteur bancaire.
Dans un style singulier, Me Larrière pouvait asséner ses arguments. «L’audit mené par le Crédit Agricole n’a révélé aune anomalie sur les comptes des clients, le licenciement pour faute grave a été motivé par des questions de déontologie, mais un manquement déontologique ne constitue en rien un délit, rappelait l’avocate avant d’asseoir sa demande de relaxe. On fait parler des personnes décédées, les parties adverses sollicitent 251 000 euros, mais ces demandes ne reposent sur aucune certitude ! Aucun élément concret ne prouve les abus de confiance reprochés à mon client !» L’affaire a été mise en délibéré au 2 octobre prochain.
«Je n’ai pas confiance en mon banquier»
Quand l’Etat vole – sur fonds publics – au secours de banques victimes de leur propre système artificiel, le travail de milliers de conseillers financiers consiste à commercialiser des placements visant à échapper à l’impôt… Cette évidence aura transpiré du discours de Silas Toronthal. L’incompétence de l’ancien conseiller financier aura également éclaté au grand jour. Silas Toronthal a ainsi affirmé avoir proposé des bons anonymes à ses clientes afin de leur permettre d’échapper à toute taxe. Le conseiller financier était de bien mauvais conseil. Et pour cause : tout encaissement d’un bon par un tiers sous couvert de l’anonymat est automatiquement amputé d’un prélèvement libératoire de 60 % auquel s’ajoutent 12,3 % de prélèvements sociaux. L’émission de bons ne présentait ainsi aucun intérêt particulier pour la clientèle de Silas Toronthal. Si certains de ces bons confiés à plusieurs clientes ont été retrouvés, d’autres ont bel et bien été perçus sous couvert de l’anonymat. L’enquête n’aura pas permis d’identifier les éventuels bénéficiaires…
Les éléments caractérisant un inquiétant laisser-aller auront notamment été illustrés par «l’absence de bordereaux de retraits» pointée par le procureur Martinvalet-Turinay. Silas Toronthal aurait également fait signer des bordeaux vierges à plusieurs clientes comme l’affirmera Me Tribolet. Avant d’encaisser une somme plus importante à celle verbalement mentionnée au titulaire du compte…
Assurant la défense de l’ancien conseiller financier, Me Larrière aura fini par livrer un commentaire lourd de sens. «Je n’ai pas confiance en mon banquier, on ne demande qu’une chose à un conseiller : vendre des placements rentables pour la banque et non pour ses clients !» Nul n’aura opposé la moindre contestation dans une salle d’audience étrangement désertée pour tout représentant du Crédit Agricole.